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Éducation

TSA: une mère cible plusieurs lacunes dans l’intégration scolaire de son fils

le mercredi 05 décembre 2018
Modifié à 8 h 00 min le 05 décembre 2018
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

ÉDUCATION. Une mère reproche à l’école de la Rose-des-Vents de ne pas avoir offert les services adéquats à son fils atteint du trouble du spectre de l’autisme (TSA), qui y fréquentait la maternelle l’an dernier. Si l’école recommande la classe relation, Christine Chédid est convaincue que la place de Joey est dans une classe régulière, avec des services adaptés. Au moment d’inscrire son fils à l’école en juin 2017, Christine Chédid avait fait ses devoirs: le diagnostic de TSA de son fils Joey Hadchiti figurait à son dossier. Ce n’est toutefois qu’en décembre que l’école semble en avoir pris connaissance. Le directeur a alors fait valoir à Mme Chédid que Joey serait mieux dans une classe spécialisée et qu’une demande d’éducatrice spécialisée à son attention aurait dû être faite par l’école. Afin d’évaluer si Joey devrait être en classe régulière ou non, un processus de demande de classement a été enclenché en mars. Décision, tombée en juin: Joey devrait intégrer une classe relation de l’école Saint-Laurent. Malgré une demande de révision de cette décision et des démarches auprès du Protecteur de l’élève par Mme Chédid, la Commission scolaire Marie-Victorin (CSMV) demeure ferme sur sa position, qui a reçu l’appui du conseil des commissaires en septembre dernier. Médiation Puisqu’il était hors de question pour elle d’envoyer Joey en classe relation, Christine Chédid a décidé de lui faire l’école à la maison cette année, espérant que la CSMV revienne sur sa décision et l’intègre en classe régulière l’an prochain. Les deux parties iront en médiation. Une mention d’échec est pour l’instant inscrite au bulletin final de Joey. Ce dernier aurait été évalué en fonction des critères réguliers du Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ). Une façon de faire inadéquate pour un enfant atteint d’un TSA, selon Mme Chédid, qui se réfère au Guide du parcours scolaire pour les parents d’un enfant handicapé. La modification des attentes par rapport aux exigences du PFEQ est l’une des mesures qui peut être apportée pour «permettre à l’élève de progresser au meilleur de ses capacités, au regard des apprentissages prévus au PFEQ correspondant au niveau scolaire du groupe-classe», indique le Guide. Réduire les attentes entraîne des mesures d’adaptation. Demande de classement Christine Chédid remet en question la validité du processus de demande de classement de son fils, car elle y identifie certaines erreurs ou incongruités. Dans la demande, une orthophoniste et une psychologue ont rempli un rapport sur l’état de Joey. La psychologue n’a pourtant jamais fait de suivi auprès de son fils. L’orthophoniste, qui a vu Joey une dizaine de fois durant l’année scolaire, recommandait quant à elle qu’il termine l’année dans cette classe et de qu’il soit réévalué l’année suivante. Le rapport de synthèse fait par ailleurs état de nombreux comportements problématiques qu’adopterait Joey «à tous les jours», tels qu’agacer les autres, faire des grimaces, agresser physiquement et verbalement, lancer des objets, fuguer dans l’école. Si Joey se comporte véritablement ainsi, «alors pourquoi, quand j’allais le chercher à la fin de la journée, on me disait que tout allait, qu’il y a seulement eu une chicane [avec un camarade de classe] et que c’était réglé?» questionne Christine Chédid. Les plans d’interventions (PI) ne font pas non plus état de ces comportements. «Rien ne démontre dans le PI ce problème sur lequel ils se sont basés pour faire le classement, ajoute-t-elle. Le PI doit montrer le problème pour qu’on puisse le régler.» Des services «inadéquats» Une éducatrice spécialisée (TES) était présente tous les jours en classe. Elle passait entre autres du temps avec Joey, mais n’était pas assignée spécifiquement à lui. Bien que la TES à laquelle s’est référée au privé Christine Chédid ait recommandé que Joey soit suivi par une psychoéducatrice, l’école ne l’a pas fait. Elle recommandait également qu’une TES se consacre uniquement à Joey. La maman comprend mal comment son fils «affiche peu de progrès», et ce, malgré la présence de la TES en classe, ainsi que les services d’une orthophoniste. «Pourtant, à la garderie, où il recevait l’aide d’un accompagnatrice deux fois par semaine, trois heures par jour, il s’améliorait», compare-t-elle. Manque de communication Christine Chédid déplore de plus qu’il lui était difficile d’entrer en communication avec la TES et l’enseignante. Contrairement à ce que recommande le Guide sur le parcours scolaire pour les parents d’un enfant handicapé et la Politique de l’adaptation scolaire de la CSMV, les parents n’ont pas été appelés à participer à l’élaboration des premiers plans d’intervention. Et c’est après beaucoup d’insistance que Mme Chédid a pu obtenir une rencontre avec l’enseignante afin d’avoir des nouvelles de Joey. En avril, Mme Chédid s’est adressée au Protecteur de l’élève. À la lumière d’une première rencontre, ce dernier a d’abord souligné l’ouverture de l’école à offrir les services appropriés à Joey. Il a néanmoins relevé certaines anomalies, notamment dans le processus des plans d’interventions, qui «sont très peu documentés quant à la nature même des interventions à travailler en classe et à la maison». Il a recommandé qu’une communication soit établie aux deux semaines avec les parents, afin de faire des recommandations et un suivi. Une recommandation qui n’a été appliquée qu’à partir de la fin mai. «Si on avait mis les services en place dès le début de l’année, si on nous avait dit ce sur quoi il aurait fallu travailler ensemble…, se désole la maman. On a perdu sept mois. Ça fait une différence.» Mme Chédid fait aussi remarquer le manque de communication entre les différentes instances de l’école. Car s’il a fallu attendre en décembre avant que la direction ne réalise que Joey a un TSA, le service de garde a interpelé Mme Chédid à ce sujet dès le début de l’année. Refaire la maternelle? Le Protecteur de l’élève recommandait par ailleurs que Joey reprenne sa maternelle cette année. Christine Chédid s’étonne que le conseil des commissaires n’ait pas tenu compte de cet élément au moment de rendre sa décision sur le processus de révision de la demande de classement. «Durant la rencontre, la commissaire Paule Froment m’avait proposé que Joey reprenne la maternelle. Je n’avais pas d’opposition, parce que je ne veux pas qu’il aille en classe relation. Le Protecteur de l’élève a donc mis cette proposition dans son rapport, mais les commissaires ne l’ont pas acceptée ensuite!»     Réponse de la Commission scolaire La Commission scolaire Marie-Victorin (CSMV) a refusé de commenter le cas de Joey, étant donné la nature confidentielle du dossier et que «la pierre d’assise de toute démarche en lien avec les services à offrir à un élève HDAA [élève handicapé ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage] est l’évaluation de ses besoins et de ses capacités et l’adaptation des services à ses particularités propres, lesquelles font appel au jugement professionnel des intervenants scolaires». La CSMV a référé le journal à sa Politique de l’adaptation scolaire, à la Politique de l’adaptation scolaire du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur ainsi qu’au plan d’action Une école adaptée à tous ses élèves.   Ce que dit la Politique d’adaptation scolaire de la CSMV (extraits) • L’évaluation des élèves handicapés et en difficulté d’adaptation et d’apprentissage est un processus multidisciplinaire impliquant l’élève, ses parents, la direction de l’école et le personnel œuvrant dans l’école.
  • La Politique d’évaluation des apprentissages s’inscrit dans une perspective où l’on vise l’égalité des chances et la réussite de tous les élèves. Il faut cependant accepter que cette réussite puisse se traduire différemment selon leurs capacités et leurs besoins.
  • La Commission scolaire privilégie l’intégration en classe ordinaire et aux autres sphères d’activité de l’école comme le premier service à offrir en envisageant, à l’intérieur du plan d’intervention, toutes les adaptations raisonnables permettant une intégration en classe ordinaire.
  • Toutefois, l’évaluation des besoins et des capacités de l’élève démontre que l’intégration dans une classe ordinaire est dans l’intérêt de l’enfant et de nature à faciliter ses apprentissages et son insertion sociale, sans constituer une contrainte excessive ou porter atteinte de façon importante aux droits des autres élèves.
  • La recommandation de la direction d’école d’orienter l’élève en classe spécialisée ou en école spécialisée n’est envisagée qu’après avoir établi, lors de l’étude de besoin, qu’on ne peut répondre aux capacités et aux besoins de l’élève ou que cela porte atteinte de façon importante aux droits des autres élèves.
  • L’enseignant choisit les instruments d’évaluation dont l’élève a besoin en vue de porter un jugement professionnel sur la progression des apprentissages des élèves qui lui sont confiés.
  • L’adaptation des services éducatifs doit être envisagée tout d’abord en fonction des services offerts à tous les élèves.
  • Le plan d’intervention dresse un portrait de l’élève et détermine ses besoins particuliers. Il précise notamment les objectifs, les moyens, les modalités d’évaluation, les responsabilités, les modalités d’intégration, les échéanciers de même que les modalités prévues pour évaluer le progrès de l’élève. Il contient les forces et les besoins prioritaires de l’élève; les objectifs pour répondre à ces besoins; les moyens ou les stratégies d’interventions choisis; les modes particuliers d’évaluation des apprentissages de l’élève, s’il y a lieu; les modalités d’intégration; les rôles et responsabilités de chacun dans l’atteinte des objectifs; les critères de réussite; l’échéancier de réalisation des interventions et l’évaluation du plan d’intervention et tout autre aspect jugé pertinent.