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Un manque à gagner de 31 M$ pour boucler le budget 2022 à Longueuil

le mardi 21 septembre 2021
Modifié à 9 h 09 min le 21 septembre 2021
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

(Photo: Le Courrier du Sud - Archives)

À entendre les quatre partis en lice pour gouverner Longueuil, le compte de taxes 2022 augmenterait d’environ 2%, soit au niveau de l’inflation, ou en deçà… si ce n’est un gel. Or, le manque à gagner pour boucler le prochain budget s’élève à 31 M$, a appris Le Courrier du Sud. Simplement pour maintenir les services et poursuivre le rattrapage d’entretien des infrastructures, le compte de taxes devrait plutôt grimper de 3,3%, et ce, pendant 10 ans.

C’est l’un des constats que dresse la firme Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT), et qu’ont appris les élus actuels lors d’une présentation, le 10 septembre.

À la séance du conseil municipal du 14 septembre, le conseiller Steve Gagnon s’est dit inquiet de la situation «un peu sérieuse» qui leur a été exposée, espérant que ces données soient rendus publiques et prises en compte dans la campagne électorale.

Le défi à 31 M$

Selon les données présentées aux élus, le manque à gagner en 2022 se situe à 28 M$. Les chiffres et informations évoluant rapidement, la Ville chiffre aujourd’hui ce défi à 31 M$.

De ce montant, 10 M$ proviennent des effets de la pandémie. La subvention reçue de 27 M$ l’an dernier avait permis à la Ville d’absorber le coup des dépenses supplémentaires et surtout, les pertes de revenus liées à la pandémie (stationnement, amendes, etc.). Cette année, la Ville ne peut compter sur cette bouée.

Un montant de 9 M$ est quant à lui lié à l’indexation salariale des employés et des contrats, tandis que 3 M$ sont imputables à la croissance du service de la dette. Des dépenses d’entretien manquantes (égout, aqueducs, gestion des sols) ajoutent 4 M$. Enfin, la quote-part de la Ville à l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), liée au transport en commun et à l’entrée en opération du REM, crée une pression de 5 M$.

Lourd fardeau fiscal

Le fardeau fiscal dépasse ainsi 8,5%, sans vision à long terme. D’où la proposition de RCGT d’augmenter le compte de taxes de 3,3% sur 10 ans. Pour une résidence d’une valeur moyenne de 310 000$, cela représenterait 110$ supplémentaires par an, selon les données obtenues par le journal.

(Gracieuseté Ville de Longueuil)

Une telle hausse servirait uniquement à continuer à offrir les services actuels aux citoyens, puis à poursuivre les rattrapages de l’entretien des infrastructures.

Selon les experts, le gel de taxes – ce qu’a opéré Longueuil lors des budgets 2018, 2019 et 2021 – n’est plus une option, car il entraîne une perte significative de revenus.

Significative? Avec une hausse de taxes sous l’indice des prix à la consommation (IPC) depuis 2017, la Ville a renoncé à l’équivalent de 14,5 M$ chaque année.

«Il y aura un choix à faire, avance Sylvie Parent au Courrier du Sud. On coupe où? Généralement, les élus ont de la difficulté à couper dans les services et la population ne veut pas de coupes de services. La solution est où? Chaque fois qu’on y est confronté, la solution est dans la hausse de taxes… Mais les citoyens ont un service en retour. Ils ont un maintien de services.»

«Si on continue dans cette voie, on se berce d’illusion et on met Longueuil en péril. C’est comme si on disait aux citoyens : faites-nous confiance, on va continuer de geler les taxes et tout va bien aller.»
– Sylvie Parent

Rappelons que la taxation foncière représente 75% des revenus de la Ville.

«Le message que je porte, et qui appartient aussi à l’administration, c’est : un gel de taxes, ce n’est pas responsable», martèle-t-elle.

Et il est faux de croire que les revenus de développement pourraient servir à financer un gel de taxes, expose Mme Parent, reprenant les propos des experts.

«Le développement n’est pas prévisible. Avec la pandémie, il y a eu beaucoup de transactions immobilières, mais c’est ponctuel», souligne-t-elle.

Les revenus issus du développement résidentiel et immobilier servent à l’ajout de nouveaux services, aux investissements exigés par le maintien des infrastructures et à ceux dans les nouvelles infrastructures.

(Gracieuseté - Ville de Longueuil)

«Le complexe aquatique, on l’attend avec impatience. Mais une fois construit, il va générer des dépenses annuellement. On veut une maison des ainés, un complexe culturel, c’est la même chose, insiste Sylvie Parent. On veut de grands projets, mais ce sont les revenus de développement qui viendraient appuyer cette pression financière.»

Selon la mairesse, la Ville se retrouve actuellement devant un carrefour.

«On est une des plus grandes villes au Québec où il y a le moins de surplus, qui a le niveau de services le plus bas. Ça vient dire qu’on ne dépense pas futilement. Alors si on veut investir dans nos infrastructures, il faut accélérer la cadence.»

Contexte politique

Le mandat accordé à RCGT répond à l’orientation du Plan stratégique 2020-2025 d’assurer une fiscalité responsable et équitable. L’opération était donc connue du conseil, assure la mairesse.

«Tout ce qu’on ne fait pas aujourd’hui, les autres paieront pour, dit-elle, pour expliquer la notion de fiscalité équitable. Ce qu’on ne finance pas avec une hausse de taxes, ce sont les autres qui vont payer.»

Un discours qui semble plus facile à tenir en fin de mandat, après que trois gels de taxes et une hausse aient été accordés aux Longueuillois. Mais s’il en avait été seulement de Sylvie Parent, le scénario aurait peut-être été différent.
«Je n’étais pas majoritaire. C’était dur pour moi de faire comprendre à l’opposition que ce n’était pas ce qu’il fallait faire», justifie-t-elle.

Elle estime que le gel de taxes accordé au budget 2021 relevait d’une situation ponctuelle, alors que l’aide octroyée par le gouvernement visait à «donner un répit» aux citoyens.

Il faisait suite à une hausse du compte de taxes de 2,5% en 2020.

Lors de l’adoption du budget 2019, qualifié de «budget de compromis», la mairesse avait exprimé des inquiétudes sur les effets du gel de taxes. À cette époque, les élus de Longueuil Citoyen – parti qui avait promis un gel de taxes pour deux ans – formait une opposition majoritaire.

Durant la campagne 2017, Sylvie Parent et Action Longueuil promettaient une hausse ne dépassant pas l’inflation. Elle dit reconnaître aujourd’hui que c’est insuffisant.

Même si elle admet qu’il est «attrayant» de promettre un gel de taxes en campagne électorale, Sylvie Parent juge que les citoyens sauront faire la part des choses.

«Tu ne peux pas imaginer que la Ville va demeurer ce qu’elle est s’il n’y a pas d’argent nouveau. Si c’est bien expliqué, ils vont comprendre.»