Justice

Un père antimasque sermonné par un juge de la Chambre de la famille

le samedi 30 janvier 2021
Modifié à 11 h 18 min le 28 janvier 2021
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

Le non-respect des consignes sanitaires en pleine pandémie de COVID-19 peut être considéré comme un comportement «répréhensible et même nuisible au développement de l’enfant» dans une affaire de garde partagée. Dans une récente décision, le juge de la Cour supérieure Claude Villeneuve a retenu cet élément parmi plusieurs arguments pour retirer la garde partagée à un père en Estrie. Ugo Giguère, La Presse canadienne, Initiative de journalisme local La cause entendue devant la Chambre de la famille, dans le district judiciaire de Saint-François, portait sur la demande d’un enfant de 11 ans voulant que l’on mette fin au système de garde partagée. Depuis quelques années, l’enfant réclamait une garde exclusive de la mère en raison de «mauvaises expériences vécues» principalement à cause du mode de vie adopté par le père. Dans sa décision rendue le 18 décembre, mais publiée en ligne le 25 janvier, le juge Villeneuve tient compte de la maturité de l’enfant malgré son jeune âge et détermine qu’il n’est pas dans son intérêt de «maintenir une telle formule de garde contre son gré». Parmi les éléments mentionnés comme posant problème, on note un régime alimentaire végétalien auquel l’enfant ne veut pas adhérer. «Bien qu’une personne adulte soit tout à fait libre de choisir son mode d’alimentation et qu’il puisse être opportun d’en enseigner les vertus à son enfant, il y a des limites à l’imposer quand cela ne correspond pas aux besoins de celui-ci», écrit le juge. On rapporte également que le père aurait frappé l’enfant à au moins deux reprises. Une fois à l’aide d’une ceinture et une autre avec un livre. Cependant, le juge Claude Villeneuve a aussi retenu contre le père son comportement face à l’actuelle crise sanitaire. Surtout que l’homme est travailleur autonome dans le domaine de l’entretien ménager et que son principal client est un centre de la petite enfance. Selon le juge, «même si la liberté d’expression est un droit reconnu, cela ne va pas jusqu’à permettre à un adulte de dénigrer et discréditer, en présence de son enfant mineur, les citoyens qui respectent les règles décrétées par les autorités sanitaires en pleine période de pandémie liée à la COVID-19». Il ajoute qu’un tel message transmis par un parent à son enfant correspond à lui inculquer «qu’il n’est pas important de respecter la loi ni la santé et la sécurité d’autrui». Un comportement qui pousse le magistrat à «remettre en question les capacités parentales du parent en matière d’éducation et de bien-être de l’enfant».
L’homme aurait décrit à son enfant les gens qui portent le masque dans les lieux publics comme des «caves» ou des «sans-génie».
Un message qui n’aurait toutefois pas eu l’effet escompté puisque l’enfant aurait à son tour qualifié le comportement de son père comme étant «irresponsable». Jurisprudence ? Me Sébastien Gagnon agissait à titre d'avocat de l'enfant dans cette affaire. À son avis, ce jugement pourrait servir de jurisprudence en matière de droit familial. Avec la pandémie qui s'étire et la vaccination qui commence, il s'attend à voir d'autres dossiers où le respect des consignes sera débattu comme un argument parmi d'autres sur la capacité d'un parent à donner l'exemple. De son côté, Me Maïté Morin, qui représentait la mère, dit avoir été un peu étonnée par l'emphase mise sur cet aspect dans le jugement. Elle reconnaît toutefois que certains propos au sujet de la pandémie lui avaient paru inquiétants lors de l'audience. Dans le camp du père, Me Guillaume-Marc Caza tient simplement à souligner que cet aspect a plutôt été retenu comme un facteur parmi d'autres et non comme un point déterminant dans la décision du juge. D’après les faits rapportés par la cour, une avocate qui représentait le père a choisi de se retirer du dossier entre autres parce que son client opposait un «refus catégorique de porter un masque» lors de leurs rencontres. Ensuite, l’homme lui-même aurait admis ne porter le masque «que dans de très rares occasions» et qu’il ne le porte pas au travail alors qu’il est engagé pour nettoyer et désinfecter un CPE. «Ce comportement du père est justement une des causes de propagation du virus au sein de la population plus vulnérable», sermonne le juge Claude Villeneuve dans sa décision. Bien que la garde complète de l’enfant soit confiée à la mère, le père conserve un droit d’accès une fin de semaine sur deux dans le but de maintenir la relation avec l’enfant.