Un spécialiste des théories du complot appelle à la prudence

Pour le professeur et auteur Frédéric Boily, la pandémie de COVID-19 a offert un terreau fertile aux théories du complot. (Photo: Le Courrier du Sud – Pixabay)
Auteur de plusieurs ouvrages traitant de la droite, du conservatisme et du populisme au Québec, en Alberta et au Canada, professeur de science politique à l’Université de l’Alberta et membre du Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation (CEFIR) du cégep Édouard-Montpetit à Longueuil, Frédéric Boily est l’un des 30 conférenciers invités au colloque Extrémisme, populisme et théories du complot: les impacts de la pandémie sur la démocratie présenté par le CEFIR à ce cégep cette semaine.
La conférence de M. Boily présentée le mercredi 21 septembre s’intitule; Conspirationnisme de droite, conspirationnisme de gauche : des chassés-croisés?
Pour M. Boily, la croyance aux théories des complots est une culture de distinction de la droite depuis la Révolution française. «C’est la théorie du Great Reset, de la Grande réinitialisation. Ils ont comme croyance que les changements majeurs ne sont pas l’effet d’une évolution logique, mais plutôt le fruit de complot. On retrouve aussi cette croyance à gauche, mais dans une moindre mesure.»
Selon M. Boily, l’éducation y est pour quelque chose. «Mais on retrouve aussi des gens très instruits qui tombent dans ces croyances. Pensons à l’Ordre du Temple solaire il y a une trentaine d’années», donne-t-il en exemple.
Entre le 4 octobre 1994 et le 22 mars 1997, 74 adeptes, dont 8 Québécois, de la secte de l’Ordre du Temple solaire (OTS) sont morts dans des «suicides collectifs», au Québec, en France et en Suisse. Certains adeptes ont en fait été assassinés. Cette secte disposait de beaucoup d’argent, car les gens qui y adhéraient avaient de grands moyens financiers et devaient payer d’importantes sommes pour être initiés.
Les théories du complot se transforment, mais il y a les classiques comme les Protocoles de Sages de Sion, l’assassinat de John F. Kennedy ou les attentats du 11-Septembre.
Le spécialiste estime que ces derniers ont donné un nouvel élan aux adeptes du conspirationnisme. «C’est populaire les théories du complot parce que c’est séduisant. Il y a même un côté romantique à ça. Ça permet de trouver un sens aux événements.
Terreau fertile
Pour M. Boily, l’époque actuelle est un terreau fertile pour l’essor du complotisme. «Il y a un état de disposition qui a été créé par la COVID. Les gens sont demeurés chez eux, rivés à leur écran», dit-il.
Le spécialiste ajoute que les réseaux sociaux ont eu un effet négatif chez plusieurs personnes en les confortant dans leurs croyances. «Ces gens sont souvent très convaincus», affirme-t-il.
«C’est l’un des paradoxes de notre époque. On est bombardé d’informations. Mais c’est de plus en plus difficile de faire le tri», enchaîne M. Boily.
Parti conservateur
Pour M. Boily, le Parti conservateur du Québec carbure au mécontentement d’une tranche de la population face aux mesures sanitaires imposées par le gouvernement. «Mais il cherche maintenant à se construire une respectabilité afin de ne pas se limiter aux convaincus qui ne représentent que 10% ou 15% de la population», analyse-t-il.
La situation est différente pour le Parti conservateur fédéral, plus proche, selon M. Boily, du mouvement trumpiste aux États-Unis. «Le cas américain est vraiment particulier, signale le professeur. Le ton est différent. On remarque qu’il s’y développe une mentalité complotiste extrémiste. Et ça c’est inquiétant.»