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Une patiente dédie une BD au médecin qui l’a soignée

le mardi 22 juillet 2025
Modifié à 13 h 25 min le 17 juillet 2025
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Le Dr Mathieu Turcotte et Louise Lemelin (Photo : Le Courrier du Sud – Denis Germain)

Louise Lemelin est immensément reconnaissante du professionnalisme et de l’expertise du Dr Mathieu Turcotte, médecin de famille œuvrant à l’urgence de l’Hôpital Charles-LeMoyne, qui lui a recousu une blessure au visage à la suite d’une vilaine chute sur la glace, un «moment très spectaculaire et profond» de sa vie. Tellement qu'elle l’a raconté dans une bande dessinée, dédiée entre autres à ce médecin. 

Plus de six mois après l’accident, les deux se sont rencontrés dans un corridor de l’hôpital, afin que Mme Lemelin lui remette Omalou se casse le cou en mains propres, et le remercie de vive voix.

«Ç’a été une rencontre extrêmement chaleureuse. J’étais très émue. Je lui suis tellement reconnaissante... Je pensais que j’allais être dévisagée, mais il a été très adroit, très rapide, considérant la difficulté de cette couture. J’ai été chanceuse : c’est un artiste!» relate Mme Lemelin.

«C’était très touchant, reconnait pour sa part le Dr Turcotte. On n’a pas souvent de retour comme ça des patients. Oui sur le coup, ils peuvent nous exprimer de la gratitude, mais rarement par après.» 

Il s’est dit aussi bien touché de la «belle attention» de lire son nom en dédicace de la bande dessinée. «C’est super l’fun à voir» ajoute-t-il aussi, à propos de l’histoire qui y est racontée, dans laquelle il apparaît. 

«Ça fait 20 ans que je fais ce métier. Je m’aperçois qu’on est pas mal significatifs pour les patients. Ça les marque, même si nous, on ne se souvient pas toujours d’eux : on en voit 15 à 20 par jour!»

Le Dr Mathieu Turcotte (Photo : Le Courrier du Sud - Denis Germain)

S’il lui arrive à l’occasion de recevoir une carte de remerciements d’un patient dont il a pris soin – environ une par an, et il les conserve toutes dans son casier –, une bande dessinée était très certainement une première.

«L’autre fois, un patient a fait un don à la Fondation à la suite de soins que je lui avais donnés. Je l’ai revu, pour que l’on prenne une photo», donne-t-il en exemple.

Retrouver le sourire

Un peu avant la période des Fêtes, Louise Lemelin a rendu visite à un ami en CHSLD. Lorsqu’elle en est sortie, les bras chargés, le manteau ouvert, la tête ailleurs, le talon de sa botte s’est pris sur le bord du trottoir : elle est tombée face première dans la rue. Direction l’hôpital, en ambulance. 

Deux incisives branlaient, deux palettes étaient renfoncées, son visage était bleu et elle était blessée près de la bouche. Le Dr Turcotte lui a fait une chirurgie sur le champ.

Dans la bande dessinée, on voit le mari de Mme Lemelin «assister» le médecin, en lui donnant des compresses pendant l’intervention. La scène est loin d’être inusitée, admet le Dr Turcotte. «Ça arrive souvent, que je demande l’aide de la famille, pour des trucs simples. Les infirmières n’ont pas le temps.»

Mme Lemelin a vécu pendant des semaines à ignorer si elle allait «ravoir son visage». Elle était si amochée que Noël a été reporté : il n’était pas question pour elle que ses petits-enfants la voient ainsi.

Mais grâce au travail du médecin, et à celui du dentiste visité le lendemain, elle a retrouvé son sourire. «Les gens autour de moi me disent que j’ai le même sourire, mais quand je me regarde dans le miroir, je trouve qu’il est plus moqueur. Ce n’est pas plus mal, pour une bédéiste!»

Raconter

Omalou se casse le cou est la cinquième bande dessinée de Louise Lemelin (sous le nom de plume Lou Lemelin) mettant en vedette ce personnage de «femme vieillissante, dont la philosophie est : j’aime mieux me faire dire que mon âge me va bien, plutôt que je n’ai pas l’air de mon âge»! 

«Je l’ai fait parce qu’une chute, ça change le cours de la vie, surtout pour les personnes âgées», avance Mme Lemelin.

L’idée de coucher sur papier cette histoire rocambolesque est née lors d’ateliers de bandes dessinées. «Je me suis dit que j’allais en faire une histoire de quelques cases, mais je n’étais pas contente et j’allais m’en débarrasser. Celui qui dirigeait l’atelier, Jérémie Beaulieu, croyait que j’étais en train de jeter une bonne histoire et m’a dit : non pas de raccourci! J’ai pris environ un mois à la dessiner.»

(Photo : Le Courrier du Sud - Denis Germain)

L’œuvre emprunte le même style que les autres BD relatant les péripéties d’Omalou : des traits minimalistes blancs, sur fond coloré. Le prénom vient de la façon dont ses petits-enfants néerlandais la nomme («Oma» signifie «grand-maman»). 

L’une des BD traite de vieillesse – «les personnes âgées, ce ne sont pas des naufragés, dira Mme Lemelin, et ils ne sont pas intéressants seulement s’ils grimpent L’Everest! La vieillesse, ce sont aussi des difficultés, des bonheurs –, Omalou ne dit pas tout aborde l’incontinence, Omalou et Satan, l’insécurité et le manque d’estime de soi des femmes.

«Les BD, c’est pour surmonter les tabous», résume Mme Lemelin.

Mme Lemelin a renoué avec le dessin après une carrière comme réalisatrice de grands reportages et documentaires, scénariste et productrice, notamment à Radio-Canada. 

Ses bandes dessinées sont publiées en autoédition, imprimées chez Le Caïus du livre, et disponibles chez Planète BD et le Port de tête, à Montréal.