« Une solution extraordinaire », selon Dr Robert Turcotte

MÉDECINE. L'ostéointégration est sans aucun doute une pratique qui doit être offerte aux Québécois amputés, selon le chef de département de chirurgie orthopédique au Centre universitaire de santé McGill, Dr Robert Turcotte. Si le médecin a tenté en 2005 d'implanter cette pratique au Québec, sans succès, il compte bien aujourd’hui relancer le débat.
L'ostéointégration est l'opération qui a permis à Kathy Wilchek de retrouver deux jambes fonctionnelles à la suite d'une double amputation. Comme il s'agit de la première Québécoise à subir cette intervention, Dr Robert Turcotte, qui assure le suivi avec la résidente de l’arr. de Saint-Hubert, souhaite «ramener ça sur le tapis».
«Il y a eu un gros intérêt mondial avec la guerre en Irak et en Afghanistan, alors que plus de 1500 soldats américains ont été amputés. Actuellement, il y a certaines expériences qui se font aux États-Unis avec cette technologie, raconte Dr Turcotte. C'est une technologie qui devrait arriver, mais qui aurait pu être implantée il y a 10 ans déjà.»
Travail de longue haleine
Comme les implants ne sont pas nécessairement acceptés par Santé Canada, un processus d'homologation devra être entrepris par les compagnies, en plus des autorités hospitalières et gouvernementales qui devront injecter certaines sommes pour étudier et faire avancer le projet.
«L'idée, qui est aussi le souhait de Kathy Wilchek, est de populariser les connaissances sur cette technologie et de faire en sorte qu'elle devienne accessible pour les Québécois, explique Dr Turcotte. Nous sommes rendus au point où des patients dépensent 100 000$ pour aller en Australie et se faire soigner parce qu'ils n’ont pas accès à ces soins-là au Québec, ce qui aberrant. D'autant plus que ce sont nous [les orthopédistes] qui devons les suivre après s'il y a des complications. Alors, si nous sommes assez bons pour suivre ses patients et les réopérer si ça ne va pas bien, nous sommes assez bons pour réaliser l'implant», soutient le spécialiste.
Inconfort constant
Pour beaucoup de patients, l'inconfort qu'amènent les prothèses conventionnelles fait en sorte que peu d'entre eux les portent quotidiennement. Ce qui porte le Dr Turcotte à croire qu'à long terme, l'implantation pourrait devenir rentable pour le système de santé, mais aussi pour les tiers payeurs, comme la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) et la Société de l’assurance automobile (SAAQ).
«Les avantages sont énormes pour les amputés: plus de liberté des membres et de mouvements et surtout, une transmission du pied prosthétique directement à travers l'os qui va permettre de mieux ressentir la surface, explique Dr Turcotte. Pour un tiers payeur, ça peut aussi devenir intéressant de payer des implants comme ceux-là, si les prestations d'invalidité diminuent. Même si le prix est encore relativement élevé par rapport à une prothèse de hanche, par exemple, il y a tout de même un coût pour les prothèses conventionnelles; ça en prend une pour le sport, une pour la piscine, une pour la vie de tous les jours, etc. Est-ce qu'à long terme, ça va être moins cher de mettre un implant que des emboîtures? C'est le temps qui va nous le dire. Mais il est faux de penser que réaliser l'implant est simplement un coût additionnel.»
Évidemment, certains désavantages accompagnent la procédure, mais selon Dr Turcotte, le risque demeure minime par rapport aux bienfaits.
«Le gros désavantage théorique est le risque d'infection. Évidemment, ça se soigne et se contrôle, mais le risque ultime est d'être obligé de faire une amputation plus haute à cause de l'infection, précise-t-il. Mais jusqu'à maintenant, il semble que ça soit un risque minime.»
Tout de suite après l'amputation
Alors que Kathy Wilchek a subi son intervention chirurgicale près de deux ans après avoir été amputée, Dr Turcotte anticipe qu'avec l'expérience et le temps, l'implantation pourrait être faite au moment de l'amputation.
«De pouvoir mettre la tige au moment de l'amputation, particulièrement pour des patients qui sont amputés à la suite de problèmes vasculaires ou de cancers, ça va être un grand gain, explique le spécialiste. C'est certain qu'en termes d'acceptation, le fait d'avoir déjà un membre et de pouvoir marcher rapidement va permettre aux patients de mieux faire le deuil du membre qu’ils ont perdu.»