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Véronique Lussier: Femme de tête et de cœur

le mercredi 14 mars 2018
Modifié à 7 h 11 min le 14 mars 2018
PORTRAIT. À titre de chef d’orchestre et directrice artistique du projet Ambassadeur de l’Orchestre symphonique de Longueuil (OSDL), Véronique Lussier a su, selon ses propres mots, prendre sa place avec authenticité, avec sa vision et ses convictions, dans un domaine traditionnellement dominé par le genre masculin. Portrait d’une femme de tête et de cœur, une leader dont tous les chefs d’entreprises pourront s’inspirer. QU:Quelles sont selon vous les qualités essentielles que doit posséder un bon chef d’orchestre? RE:En plus, d’un talent musical d’interprète et des compétences techniques et artistiques, le métier de chef d’orchestre requiert de grandes aptitudes de relations interpersonnelles (leadership, écoute, communication, esprit d’équipe). Comme un chef d’entreprise a une vision de sa mission, le chef d’orchestre doit avoir une vision du concert dans toutes les étapes de sa création telles que le public cible, la planification, l’intention artistique (recherche et analyse d’œuvres), l’identification des effectifs musicaux et techniques ainsi que les enjeux financiers. Cet exercice mobilise une très grande partie du travail préparatoire du chef. Il est également important de posséder des qualités d’écoute et de dialogue avec les musiciens dans leur vision de l’œuvre, d’exercer un leadership à rassembler et à canaliser les énergies de tous pour un consensus teinté de la vision du chef. J’ai le plus grand respect pour chaque musicien qui anime son instrument au diapason avec ses collègues. Pour moi, c’est un critère déterminant pour un travail d’équipe optimal, dans l’atteinte d’un haut niveau d’excellence artistique. De plus, le chef doit non seulement avoir une vision d’ensemble de son organisation, mais aussi du rôle que celle-ci joue dans la société. Le chef doit être un créateur et un concepteur de projets innovants pour conquérir les jeunes, le public de demain. Il doit connaître la morphologie de son public et proposer une programmation qui tient compte de cette réalité. Le chef doit être totalement dédié et engagé. QU:Pourquoi avoir choisi le métier de chef d’orchestre? RE:«Toutes mes expériences acquises dans mon parcours académique m’ont fait découvrir ma capacité à communiquer mes émotions non seulement auprès des groupes que j’ai dirigés mais aussi auprès des nombreux types d’assistances et des juges lors de mes stages. Les nombreux commentaires positifs que j’ai reçus m’ont confirmé que j’avais fait le bon choix. QU:Quels sont les aspects positifs et négatifs de votre profession? RE:Le chef d’orchestre est un concepteur d’idées, un créateur, un visionnaire. Je suis réellement animée par tous ces aspects qui permettent de sculpter la musique, de générer des émotions. Rien de plus stimulant que les témoignages que l’on reçoit à la suite d’un concert, lorsque l’assistance me dit avoir vécu de beaux moments. Je retire aussi une grande satisfaction de voir la fierté des jeunes lorsqu’ils découvrent la musique classique dans leur quotidien. J’aime ce contact chaleureux avec le public car il me soutient et me nourrit dans ma créativité et ma volonté de me rapprocher toujours davantage d’eux. Également, le fait de mettre en lumière des jeunes de la relève, des compositeurs et des arrangeurs, m’interpelle. Je déplore toutefois qu’il y ait de moins en moins de formation musicale dans les écoles. Aussi, les budgets associés à la culture sont toujours sensibles aux impératifs du moment, ce qui empêche de conserver et de maintenir de façon constante cette dimension culturelle essentielle à l’âme humaine pour faire face aux tumultes du monde actuel. QU:Diriger un orchestre symphonique en tant que femme représente-t-il un défi particulier? RE:Malgré une majorité du genre masculin, on y voit davantage de femmes aujourd’hui. On sent que s’installe un contexte de plus en plus favorable et propice à ce que les femmes y accèdent, un peu comme dans d’autres métiers non traditionnels. Il faut prendre sa place avec authenticité, avec sa vision et ses convictions, comme n’importe quel chef, qu’on soit homme ou femme et ce, avec un respect réciproque. La musique est un langage universel, elle n’a pas de genre. QU:Quels ont été vos influences et vos modèles? RE:Plusieurs chefs, hommes ou femmes, m’inspirent à divers égards et notamment mes professeurs dédiés pendant mes cinq années d’études en direction d’orchestre. Le pianiste et compositeur québécois Alain Lefèvre m’a inspirée dans mon parcours pianistique, de pédagogue et de chef d'orchestre pour sa virtuosité et sa sensibilité, son humanisme et son implication bénévole à l’éveil musical auprès des jeunes. La chef d’orchestre montréalaise Ethel Stark, qui a fondé en 1940 la Symphonie féminine de Montréal, le premier orchestre féminin créé au Canada, une pionnière dans ce monde masculin, mérite toute mon admiration pour sa ténacité à surmonter les embûches à tous égards et à paver la voie pour les femmes.   Un parcours impressionnant Véronique Lussier a commencé sa formation musicale à un très jeune âge par l’apprentissage de divers instruments, la participation à des camps musicaux et des chorales. Elle a poursuivi ses études à l'école Vincent-d'Indy et a complèté un baccalauréat en enseignement de la musique (piano classique) à l’Université du Québec à Montréal ainsi qu’une maîtrise en direction chorale à l’Université de Sherbrooke. La jeune femme de La Prairie a récemment complété un doctorat en direction d’orchestre à l’Université de Montréal. À l’international, elle a dirigé, lors de classes de maîtres, le Plovdiv Philharmonic Orchestra (Bulgarie), le Bohuslav Martinu Philharmonic Orchestra (République Tchèque), l’Orchestre de chambre de Boulder (États-Unis) et a été chef assistante au National Music Festival (États-Unis). Elle a perfectionnée son art auprès de maestros de réputation internationale tels Johannes Schlaefli, Kirk Trevor, Tomas Netopil, Donald Schleicher, Lawrence Gohan, Gilles Auger, Michael Charry, Yoav Talmi et Peter Csaba. «Mon expérience de l’enseignement de la musique (piano classique et chant choral) pendant 10 ans auprès d’un millier de jeunes me confère une conviction de la portée multidimensionnelle et bénéfique de la musique, indique-t-elle. Mes ateliers (OSM et UdeM) permettent aux jeunes de découvrir le monde fascinant d’un orchestre symphonique par le biais d’activités pédagogiques et ludiques.»   Projet Ambassadeur En 2017, à sa dernière année de doctorat, Véronique Lussier a initié le Projet Ambassadeur, en partenariat avec l’Orchestre symphonique de Longueuil, pour la tenue de concerts dans la région centre-sud de la Montérégie. «À titre d’entrepreneure, ce projet m’a permis de mieux connaître les rouages d’un orchestre, d’identifier des façons nouvelles de développer un public, de rechercher des partenariats auprès des instances gouvernementales, municipales et privées ainsi que de nombreuses démarches pour l’obtention de bourses. Ce fut un travail intense de leadership et d’entrepreneuriat.» La chef souhaite maintenant élargir ce projet partout en Montérégie, et plus spécialement avec une approche pédagogique auprès des jeunes. «Je suis fière de contribuer à l’enrichissement socioculturel de la région, de favoriser les jeunes de la relève et d’organismes locaux des arts de la scène, et ce, tout en valorisant le riche patrimoine historique. Ceci est un facteur déterminant au maintien de la pérennité d’un orchestre.» «Comme tout bon chef d’entreprise, tout ce bagage d’expériences me consolidera dans mon cheminement de carrière dans différents types de projets innovateurs autant sur le plan local qu’à l’international», conclut-elle. Rens.: osdl.ca/projet-ambassadeur-a-propos et www.veroniquelussier.com