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VIDÉO – Comment utiliser un lecteur d’écran, par et pour les non-voyants

le mardi 29 août 2023
Modifié à 16 h 43 min le 01 septembre 2023
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Bianka Lussier-Dalpé et Vincent Léone se préparent au tournage de la capsule. (Photo: Le Courrier du Sud – Ali Dostie)

L’Institut Nazareth et Louis-Braille (INLB) a reçu le 25 août la visite du Centre de ressources et d'évaluation des technologies pour les personnes handicapées (CRETH) dans ses locaux de Longueuil. Ensemble, ils ont créé des capsules vidéo visant à expliquer aux personnes vivant avec une déficience visuelle comment utiliser les lecteurs d’écran; un outil indispensable pour utiliser un ordinateur et un téléphone intelligent.

Il est fascinant d’observer Bianka Lussier-Dalpé, spécialiste en réadaptation en déficience visuelle à l'INLB, et Vincent Léone, chargé de formation au CRETH – qui vivent tous deux avec une déficience visuelle –, se préparer au tournage des capsules.

Devant leurs potables, ils discutent des fonctionnalités qu’ils mettront de l’avant et du meilleur moyen pour assurer des explications claires et simples. Ils font des tests, naviguant dans les menus et autres fenêtres, accessibles au moyen de tels et tels raccourcis clavier de plusieurs touches. 

À leur discussion se mêle la voix robotique de la synthèse vocale, qui identifie tout élément d’un menu défilant, d’une icône ou encore d’un texte apparaissant à l’écran, et ce, à un débit d’une rapidité ahurissante. Soyons honnêtes, en tant qu’observateurs, nous sommes perdus!

Conceptualiser Internet

Se servir d’une tablette, d’un téléphone intelligent ou d’un ordinateur pour une personne aveugle ou malvoyante implique entre autres de connaître toutes les touches d’un clavier et de mémoriser les nombreux raccourcis clavier nécessaires à l’utilisation d’un ordinateur sans touchpad ou souris.

Au moyen d’une synthèse vocale ou d’une plage braille (un dispositif ajouté sous le clavier), les lecteurs d’écran lisent tout le texte apparaissant à l’écran et en restitue l’interface.

L’emploi du lecteur d’écran «est plutôt intuitif, mais ça demande un peu de temps, reconnaît Vincent Léone. C’est la rigueur qui est la clé de la réussite!»

D’autant plus que toutes les notions associées à un ordinateur (boîte de dialogue, fichier, dossier, interface, etc.), sont très abstraites. «Il faut tout intérioriser. C’est difficile de conceptualiser Internet!, confie le formateur. Mais il y a différentes stratégies d’apprentissage.»

Mme Lussier-Dalpé renchérit. «On utilise des métaphores. Par exemple, pour distinguer les fichiers des dossiers et fenêtres, on dit que c’est comme une maison, puis une pièce dans la maison, puis un meuble…et un tiroir!» illustre-t-elle.

Selon elle, il n’est pas forcément plus aisé de s’adapter à un lecteur d’écran pour une personne qui a déjà vu – et qui connaît donc ces concepts – que pour une personne née aveugle. 

Ceux qui ont perdu la vue «sont habitués à aller vite, et c’est un rapport totalement différent à l’espace, relève-t-elle. Ce n’est plus des boutons sur lesquels on clique, comme pour fermer une fenêtre, par exemple.»

 

 

Fracture numérique

Bien que tous les ordinateurs et portables en soient dotés, les lecteurs d’écran ne sont pas forcément employés à leur plein potentiel.  «Ce n’est pas assez utilisé, car il manque d’information de qualité», soutient Vincent Léone.

Ce à quoi pallie le projet Mon lecteur d’écran et moi, initiative du CRETH destinée aux non-voyants, à leur famille et aux professionnels qui les entourent. Les capsules vidéo sont conçues par des personnes aveugles ou malvoyantes de différents pays de la francophonie, qui utilisent au quotidien les lecteurs d’écran. 

«L’objectif est de réduire la fracture numérique et de donner cet accès à toute personne qui le désire», précise M. Léone. 

La France, la Suisse, des pays d’Afrique et d’autres institutions du Québec y prendront part. «Un projet international comme ça, c’est génial. Comme visibilité, on ne peut pas demander mieux! On élargit la diffusion et on espère que les gens d’un peu partout vont partager», lance Pierre Muraille, éducateur - développeur Tactile au CRETH.

Bianka Lussier-Dalpé explique comment changer la voix du synthétiseur. (Photo: Le Courrier du Sud – Ali Dostie) 

«Ce projet répond directement à notre mission d’offrir des services et de promouvoir la participation sociale» des personnes avec une déficience visuelle, mentionne Catherine Auger, chef de l'accès et des services administratifs en déficience intellectuelle, trouble du spectre de l'autisme, déficience physique et déficience visuelle à l’INLB.

La vidéo dans laquelle apparaît Bianka Lussier-Dalpé de l’INLB s’ajoutera à celles sur le site monlecteurdecran.be (une version beta d’un site amélioré à venir). 

Accessibilité

Bien qu’il existe des modèles payants, les capsules se consacrent à l’utilisation des lecteurs d’écran gratuits.
Selon Vincent Léone, les lecteurs gratuits sont tout aussi efficaces et comportent l’avantage de pouvoir être plus facilement mis à jour. 

«Un lecteur d’écran payant sera utile pour les travailleurs, qui doivent performer, fait valoir Bianka Lussier-Dalpé. Mais pour le commun des mortels, les lecteurs gratuits conviennent très bien. Les modèles s’améliorent et l’écart entre ces deux offres s’amenuise de plus en plus.»

Mon lecteur d’écran et moi poursuit ainsi l’objectif de démocratiser l’accès à la technologie. 

Car tant en Belgique qu’au Québec, il existe des aides financières pour l’accès à des aides visuelles, mais les critères d’admissibilité sont nombreux : contexte de travail, niveau de déficience visuelle, etc.

«Les outils gratuits sont accessibles à tous, même si tu n’entres pas dans une case!» exprime Vincent Léone.

 

 


Vite, très vite

Le débit de la voix de synthèse vocale peut être ajusté, mais ses utilisateurs ont tendance à opter pour un débit très rapide. Pourquoi? 

«C’est pour être plus efficace. Quand une personne regarde un écran, elle ne lira pas tout, de gauche à droite. Avec un débit rapide, on arrive à être aussi rapide que tout le monde», explique Bianka Lussier-Dalpé.

Et si les néophytes choisissent une voix plus humaine, les utilisateurs plus aguerris préfèrent une voix davantage robotique, et ce, pour un même souci d’efficacité. «Le robot peut lire efficacement à toute vitesse. C’est plus précis, plus articulé», indique Vincent Léone.