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Violence conjugale : Selena Fortier expose son vécu avec une touche d’autodérision

le mardi 08 novembre 2022
Modifié à 14 h 56 min le 24 novembre 2022
Par Michel Hersir

mhersir@gravitemedia.com

Si elle a vécu de la violence psychologique, sociale, économique et quelques fois physique, Selena Fortier ne se voit pas comme une victime et prône un discours positif, axé sur les solutions. (Photo : Gracieuseté – Philippe Le Bourdais)

«Pute», «vidange à sperme», «loque humaine». Ces insultes ne venaient pas d’inconnus sur les médias sociaux. Elles venaient de son amoureux. Régulièrement.

Trois ans après avoir vécu ce qu’elle décrit comme «une torture mentale», c’est une femme souriante qui a accueilli le Courrier du Sud au parc St. Mark de Longueuil. Selena Fortier se dit aujourd’hui très à l’aise de parler de sa relation vécue entre 2017 et 2019, malgré le long rétablissement et les pensées sombres qui ont suivi. 

À l’aise, au point d’en faire le sujet d’une conférence, qui sera notamment présentée le 26 novembre au bistro Ste-Cath de Montréal dans le cadre des 12 jours contre la violence faite aux femmes.

«J’ai créé une conférence que j’aurais voulu voir quand j’étais avec lui.»
-Selena Fortier

«Je veux donner un message d’espoir, qu’il est possible de sortir d’une telle relation. Dans la conférence, tout est vrai mot pour mot. Des extraits de messages textes que je fais jouer jusqu’aux insultes, c’est important à mes yeux de donner un portrait réel de ce que j’ai vécu», explique-t-elle.

L’humour comme outil d’émancipation

Sur la scène, elle revient ainsi sur l’entièreté de sa relation en s’inspirant de son baccalauréat en psychologie, ses années comme intervenante psychosociale et… ses cours à l’École nationale de l’humour!

Car malgré le sérieux du sujet, l’autodérision s’avère une stratégie d’émancipation pour la Longueuilloise.

«À mes yeux, lorsqu’il est question de violence conjugale, l’humour est un fabuleux canal de communication afin que la honte change de camp, suggère-t-elle. Lorsque j’aborde les différentes formes de violence conjugale que j’ai vécues, c’est également un précieux outil pour expliquer toutes les subtilités que ça comporte, tout en favorisant la réceptivité et l’ouverture au dialogue sur ce sujet encore tabou.»

Elle assure en outre avoir travaillé très fort pour trouver le bon équilibre entre le sujet très sérieux et le côté humoristique. «Chaque tournure de phrase, chaque virgule a été stratégiquement pensée», ajoute-t-elle.

Trop irréel

(Photo: Le Courrier du Sud - Michel Hersir)

L’activiste et conférencière souhaite d’ailleurs offrir un nouveau visage à la violence conjugale à travers des exemples plus subtils, moins axés sur la violence physique.

«Je mets de l’avant l’histoire d’amour, parce que quand on entend parler de violence conjugale dans les nouvelles, c’est toujours le résultat qu’on voit : féminicide ou violence physique importante. Mais pour une personne qui vit dans un contexte de violence conjugale, c’est tellement irréel de s’imaginer qu’il pourrait faire ça. On ne se reconnaît pas là-dedans, c’est trop intense», évoque-t-elle.

Par ailleurs, son objectif n’est pas seulement de raconter son histoire, mais également de discuter avec les gens après ses conférences, de les aider au nécessaire ou d’ouvrir une porte de réflexion.

«J’aime aussi favoriser une masculinité positive. Un homme qui n’a jamais été en contact avec cette réalité, s’il a un ami qui lui dit "hey, regarde cette fille, elle s’habille comme une pute", peut-être qu’une lumière va s’allumer. Et je crois que ç’a un grand impact quand le message vient d’un ami ou d’un proche», illustre Selena Fortier.

Si son initiative reste pour le moment un projet pilote, la femme de 31 ans a des plans ambitieux. Elle aimerait notamment qu’à la sortie de sa conférence, les gens puissent consulter différents kiosques d’organismes ou des services de police, afin qu’ils puissent, comme elle, reprendre le contrôle sur leur vie.

Si vous vivez de la violence conjugale ou en êtes témoin, contactez SOS violence conjugale au 1 800 363-9010 — 24/7.

 

L’homme de sa vie

Selena Fortier croyait avoir rencontré l’homme de sa vie. «Il me faisait tripper comme une ado», admet la femme de 31 ans.

La suite de la relation s’est plutôt transformée en un cycle continuel de violence psychologique et d’excuses.

Elle a essayé de le laisser à quelques reprises, pour finalement toujours revenir vers lui. 

«J’essayais de me défaire de l’emprise psychologique de l’homme dont j’étais amoureuse», raconte-t-elle. 
La rupture définitive est venue après une autre déception, alors que dans la même journée, relation sexuelle et insultes se sont enchaînées. «C’était tellement rapproché dans le temps que ç’a été un point de non-retour.»

Affectée par un stress post-traumatique, elle a eu besoin de deux ans et de l’aide de différents organismes, comme le Carrefour pour elle et le Centre d'aide aux victimes d'actes criminels, pour retrouver le bonheur de vivre. 

«Je me sens très bien aujourd’hui, et avec mon projet, où je suis en équipe avec moi-même, je suis ma propre agente, de la gestion de la salle aux communications avec le technicien, le marketing et tout, il faut que je sois dans une disposition psychologique pour le faire», assure-t-elle.


 

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