«Vous êtes en train de me convaincre de garder votre client en dedans»
La juge Sophie Bourque n'a pas apprécié les arguments de l'avocat de Marc Charette, lors des plaidoiries dans le dossier du meurtre au Motel Oscar. Elle s'inquiète de l'impulsivité et de la dangerosité de l'accusé.
Me Gilles Daudelin plaidait pour que son client, qui est incarcéré depuis 2006, reçoive une peine de 16 ans avec le temps en détention préventive compté en double, ce qui lui permettrait de sortir de prison dès le prononcé de la peine. Il s'est aussi questionné sur la pertinence d'imposer une probation à M. Charette à la fin de sa peine.
Charette, qui s'est reconnu coupable d'homicide involontaire dans cette affaire, a un très lourd passé judiciaire et il a fait l'objet de plus de 60 rapports disciplinaires pendant sa détention préventive.
Après un refus catégorique de la part de la juge, Me Daudelin a suggéré une probation de 2 ans où M. Charette se présenterait à son agent de probation accompagné d'une tierce personne, «pour éviter des prises de bec».
«Vous êtes en train de me convaincre de garder votre client en dedans, a répondu la juge. Il y aura des prises de bec quand il sera à l'extérieur. Donnez-moi quelque chose pour sécuriser la société, sinon je n'aurai pas le choix d'imposer la prison.»
La procureure de la Couronne, Me Sylvie Villeneuve, a demandé une peine de 20 ans de prison. Avec le temps compté en double, M. Charette purgerait donc 2 ans moins 1 jour dans une prison provinciale, une perspective qui a fait sourciller la juge Bourque.
«Si on demande une peine de 20 ans, d'habitude c'est parce que l'accusé est un danger maintenant. Alors il serait un danger pour la société et on l'emprisonnerait pour seulement 2 ans? Il y a un problème de logique», a-t-elle relevé.
La ségrégation, une forme de torture
Me Daudelin demandait initialement une peine de 20 ans de prison, mais avec le temps en détention préventive compté en triple. Cette option, tout comme le temps compté en double, était possible avant 2010 si la défense démontrait que l'accusé avait subi un préjudice pendant sa détention.
L'avocat s'est appuyé sur un rapport des Nations Unies sur la ségrégation – c'est-à-dire l'isolation – des détenus. Le rapport indique que la ségrégation prolongée est une forme de torture.
M. Charette a passé 43 mois en ségrégation volontaire. Mais il affirme qu'il était obligé d'accepter la ségrégation parce qu'on ne lui laissait pas sa canne s'il était logé avec d'autres détenus.
«On l'a placé en ségrégation parce qu'il a une canne. Mais on laisse les détenus utiliser des balais, des moppes et même des fauteuils roulants», a ironisé Me Daudelin.
La juge Bourque a toutefois rejeté ces arguments du revers de la main, affirmant qu'un rapport sur la ségrégation des détenus aux États-Unis n'était pas pertinent et que la constitutionnalité de la ségrégation n'était pas remise en cause par la défense.
La juge a pris le dossier en délibéré. Elle prononcera la peine de Marc Charette le 29 juin.