Voyage au cœur de l'univers créole haïtien

LANGUE. Que vous prévoyiez effectuer un séjour en Haïti ou que vous soyez natif de ce pays des Caraïbes, «parler le créole vous plonge dans la culture haïtienne», exprime avec conviction l'auteur Wadner Isidor. Son nouveau livre, le Petit lexique du créole haïtien, se révèle comme un guide fort pratique pour maîtriser les subtilités de cette langue riche et en constante évolution.
De nouveaux mots s'ajoutent régulièrement au vocabulaire créole. Selon le résident de Longueuil d'origine haïtienne, on pourrait en compter jusqu'à 150 nouveaux par année. C'est pourquoi il estime que son guide peut s'avérer utile, autant pour les étrangers que pour les immigrants installés au Québec depuis des années.
«C'est une langue très dynamique. Des journalistes, des chanteurs ou des comédiens en Haïti ne cessent de contribuer à la richesse de notre langue», explique M. Isidor.
S'il avoue d'emblée que son livre est loin de contenir toutes les expressions créoles, on y retrouve tout de même une foule d'expressions imagées et de tournures spéciales propres à la langue. Sans oublier certains proverbes haïtiens qui constituent à eux seuls «un registre de langage commun».
Mais d'abord et avant tout, on y retrouve des notes essentielles sur l'alphabet créole et des phrases courantes de la vie quotidienne.
Des préjugés
Celui qui a déjà enseigné le créole au Comité international pour la promotion du créole et de l'alphabétisation à Montréal (KEPKAA) estime important de faire valoir la complexité de cette langue. Du même coup, il déplore l'idée selon laquelle cette langue est associée à une classe inférieure.
«Des gens gardent malheureusement encore cette idée. Le départ de Duvalier en 1986 a contribué à l'émancipation du créole. C'est une langue de liberté d'abord. Le français est perçu comme une langue de prestige en Haïti et le créole nous permet de s'exprimer comme on veut», fait savoir Wadner Isidor.
Certaines universités américaines et françaises permettraient d’ailleurs à leurs étudiants d'origine haïtienne de rédiger des travaux en créole.
N'empêche que le créole a trouvé ses racines dans le français parlé au 16e et 17e siècles, lors de l'époque coloniale.
«Le créole comporte une base lexicale française, mais aussi de certaines langues africaines. C'est pourquoi on retrouve beaucoup de contractions», souligne M. Isidor.
Le créole haïtien est en quelque sorte un héritage colonial, car il est devenu la langue maternelle des descendants des esclaves. Alors même s'il reste encore des préjugés à son égard, M. Isidor est persuadé qu'ils sont de moins en moins nombreux.
«Après tout, on ne peut pas brimer la liberté d'expression!»
Une langue mondiale
Selon une étude menée par l'Université Laval sur l'aménagement linguistique dans le monde, 80% des Haïtiens ne parlent que le créole, et seulement 18% maîtrisent le créole et le français.
Près de 20 millions de personnes parlent le créole à base lexicale française, aux quatre coins de la planète. Au Canada, ils sont plus de 200 000, d'après le KEPKAA. À Montréal, les créolophones sont originaires principalement d’Haïti, de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Dominique, des Îles Seychelles, de l’Île Maurice, de la Guyane française, des Îles Rodrigue et de Sainte Lucie.
Wadner Isidor présentera une conférence intitulée Évolution du créole haïtien: de 1503 à nos jours, ce soir, 21 février, de 19h à 21h, à l'auditoire de Radio Centre-Ville, 5214, boul. Saint-Laurent, à Montréal.
Fraz popilè nan krèyol (Phrases courantes en créole)
• Bonjou! Bonswa! (Bonjour ou bonsoir)
• Kouman ou ye? (Comment allez-vous?)
• Mwen byen. E ou menm? (Je vais bien. Et toi?)
• Ki kote ou rete? (Où habitez-vous?)
• Sa k' pase? (Quoi de neuf?)
• N'ap boule (On tient le coup)
• Kijan ou rele? (Comment vous vous appelez?)
• Mwen ta renmen wè ou demen (J'aimerais te voir demain)
• Mwen grangou (J'ai faim)
• Pa gen pwoblèm (Pas de problème)
• Mèsi anpil (Merci beaucoup)
• Mwen pa komprann (Je ne comprends pas)
Joual québécois VS créole haïtien (quelques expressions se ressemblent, étonnement!)
• Il fait «frette» la nuit (Li fè frèt lanwit)
• Qu'est-ce que tu fais «aswère»? (Kisa w ap fè aswè a?)
• Donne-moi un peu d'eau «siouplait» (Ban mwen tigout dlo silteplè/souple)
• Prend ça pour moé «siteplait» (Pran sa pou mwen tanpri)
• Ti-garçon (Ti gason)