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«C’est bien, mais ce n’est pas suffisant», estime une victime de violence conjugale

le vendredi 30 mars 2018
Modifié à 17 h 09 min le 30 mars 2018
Par Jonathan Tremblay

jtremblay@gravitemedia.com

Système de «bouton panique»

En marge de le la signature du Protocole ISA le 26 mars, Le Courrier du Sud a discuté avec deux femmes qui ont été victimes de violence conjugale par le passé, afin de connaître leurs impressions du projet. À LIRE AUSSI: Violence conjugale: le SPAL met en place un système de «bouton panique» Si ce dernier s’avère une bonne idée, plusieurs réponses obtenues lors de la conférence de presse demeuraient incohérentes aux yeux d’une femme, entre autres au chapitre des critères d’éligibilité et au sujet du nombre d’appareils accessibles sur le territoire. Éligibilité «Mon ex-conjoint n’a pas brisé ses conditions de libération. Il est beaucoup trop rusé pour ça, affirme la femme dans la trentaine, battue par son ex-conjoint pendant des années. Si mon cas ne mérite pas cet appareil, alors il y a un grave problème.» L’agente de la section prévention et actions stratégiques du SPAL José Gagné soulignait lors de la conférence de presse qu’afin d’être éligible au programme, la victime devait «avoir porté plainte et poursuivi son agresseur, et ce dernier ne doit pas avoir respecté ses conditions de libération pour être considéré comme très dangereux». Ce n’est cependant pas le SPAL mais bien les maisons d’hébergement qui analysent les dossiers des victimes.
«Ces femmes sont «chanceuses» d’avoir cet appareil dans leurs malheureuses circonstances. Je peux garantir que ça changera leur vie.» - Une survivante de violence conjugale
«Si on pouvait, on le donnerait à tout le monde qui le désire, le système. Ça faciliterait notre travail», admet l’agente. «Il n’y a pas de critères si précis concernant les bris de conditions, a précisé la directrice du Carrefour pour Elle Marlène Poirier. Si la victime a de bonnes raisons de craindre pour sa sécurité et celle de ses enfants, elle sera éligible.» Un petit nombre de femmes Il est prévu qu’entre cinq et sept femmes soient ciblées pour utiliser le système sur le territoire de l’agglomération. Ce nombre est une estimation basée sur l’expérience antérieure du protocole S.A.U.V.E.R., similaire au Protocole ISA et subventionné pendant 16 ans par la compagnie ADT. «Je m’attends à ce que ce soit semblable, affirme Marlène Poirier. Ç’allait de quatre à six femmes par année. On a eu 54 femmes en tout en 16 ans qui ont participé.» Considérant les 1060 événements en contexte conjugal sur le territoire de l’agglomération en 2017, la survivante qui s’est confiée au journal croit que ce n’est pas assez. «Je suis vraiment très contente du protocole qui a été signé. En revanche, c’est décourageant qu’il n’y ait qu’une poignée de femmes qui pourront en bénéficier. Ce n’est pas suffisant! Je souhaite qu’il y en ait plus, et le plus rapidement possible!» «Si plus de victimes répondent à nos critères, et qu’elles répondent à ceux de l’IVAC, il y en aura davantage. On ne fixe pas de limite», répond Mme Poirier. Pas une question d’argent L’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) subventionne les victimes lorsqu’elles remplissent les critères déterminés par une des maisons d’hébergement de la région. «L’achat d’un système d’alarme coûte à l’IVAC un maximum de 1000$, ainsi qu’un coût additionnel de 30$ par mois, pour le raccordement à la centrale»¸ explique la porte-parole de l’IVAC Geneviève Trudel. Il n’y a toutefois pas de limite de budget accordé au territoire, confirme l’IVAC. Si une victime répond aux critères établis, elle aura droit à la couverture. «La couverture financière est prévue pour un an, à moins de cas exceptionnel, ajoute Marlène Poirier. Il y a des critères mis en place et comme pour tous les projets, il y aura des femmes sur la limite qui ne pourront pas y avoir accès.» Les hommes violents doivent-ils savoir? En conférence de presse, le directeur du SPAL Fady Dagher a indiqué que c’était «tant mieux» si l’homme violent était au courant de la présence de l’alarme au cou de sa victime potentielle. Une opinion qui n’est pas partagée par la victime rencontrée par Le Courrier du Sud, qui vit toujours avec de nombreuses conséquences psychologiques de cette période de sa vie. Elle craint toujours son agresseur. «Mon dieu, non! Ces hommes-là sont des manipulateurs psychopathes et narcissiques. Ils ne doivent pas être au courant que nous avons cet appareil en notre possession, ce sera un challenge de plus pour eux. Ça devrait être top secret.» La directrice Marlène Poirier dit quant à elle qu’aucune démarche ne provient des maisons d’hébergement pour avertir les hommes. «On n’en fait pas la publicité», soumet-elle. Plus sécuritaire pour tout le monde Un des objectifs du projet est de rendre les interventions plus sécuritaires pour les victimes, mais aussi pour les policiers et les agresseurs. «Sur la carte d’appel, on aura directement l’adresse où se rendre, la plaque d’immatriculation de l’agresseur, et on saura que la situation est grave et que nous devons arriver alertes et prêts à intervenir, sans que la victime n’ait à prononcer un mot, avance l’agente José Gagné. On espère réussir à arrêter monsieur en sécurité et l’empêcher de commettre des actes criminels.» Selon le témoignage anonyme de la femme, toutes les victimes n’ont pas la chance de savoir ce qui advient de leur agresseur. Le système judiciaire est «mal fait», dit-elle, car elle n’a aucune idée d’où se trouve son assaillant depuis sa libération conditionnelle. «Lui, il connaît tout de moi; mon adresse, ma voiture, l’école de mes enfants. Moi, je ne sais rien de lui. Aucune information pour me sécuriser.» «Pour me sentir en sécurité, tout le monde me dit instinctivement de déménager ou de me cacher, mais je refuse. Ce n’est pas normal. Ce n’est pas une vie, pour nous et nos enfants. On n’a pas à courir pour se sentir en sécurité», conclut-elle. Satisfaite du projet Une autre victime a salué le projet de système d’alarme dont elle fera l’acquisition prochainement et qui la sécurisera à la maison. «Je suis plus souvent à la maison qu’ailleurs. Donc, pour l’instant, le projet répond à mes attentes. C’est sûr que l’idéal serait que ce soit accessible de partout», avoue-t-elle. Son ex-conjoint a brisé ses conditions de libération. Il est présentement en prison en raison d’autres dossiers de violence conjugale sur plusieurs femmes. Elle a été en relation avec lui durant 15 mois. «Quand on porte plainte, c’est là qu’on se rend compte qu’il avait des antécédents.» L’anonymat des survivantes est préservé à des fins de sécurité.