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Des problèmes majeurs à l’Office municipal d’habitation de Longueuil

le mardi 13 octobre 2020
Modifié à 11 h 47 min le 02 novembre 2021
Par Geneviève Michaud

gmichaud@gravitemedia.com

Des dizaines et des dizaines de logements vacants, une «hécatombe» au sein du personnel et un climat de travail «tendu, malsain, insécurisant, toxique»; rien ne va plus à l’Office municipal d’habitation de Longueuil (OMHL). La situation est à ce point critique que la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec (FLHLMQ) réclame une enquête et la possible mise en tutelle de l’organisation.

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«C’est la première fois en 27 ans d’existence que notre fédération demande une telle enquête qui pourrait conduire à une tutelle temporaire, écrit la Fédération, dans une lettre adressée à la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation Andrée Laforest le 30 septembre. Nous considérons les faits suffisamment graves pour justifier une telle action.»

Près d’une centaine de logements vides

En tête de liste des problèmes rapportés par les employés et les différents intervenants rencontrés par le journal se trouve le nombre «alarmant» de logements vacants, malgré une liste d’attente bien garnie.

Des chiffres qui divergent selon les sources consultées. Les employés avancent que plus d’une centaine de logements étaient libres au courant de l’été, et l’étaient depuis plusieurs mois.

«Des visites avaient été faites en janvier et février, avant la pandémie, mais les logements n’ont commencé à être attribués qu’en mai», indique une employée.

Conséquence : une dizaine de ménages qui se sont retrouvés à la rue lors de la crise du logement de juillet ont pu obtenir un HLM d’urgence, passant ainsi devant des personnes qui sont sur la liste d’attente depuis un bon bout de temps.

«Normalement, ces ménages auraient dû obtenir une unité de logement PSL», expliquent les employés.

Les coûts des unités du Programme de supplément au loyer (PSL) sont assumés à 90% par la SHQ et à 10% par les municipalités.

Or, les Offices municipaux d’habitation, qui sont chargés de la gestion des unités PSL, ne peuvent en accorder s’ils ont des HLM libres dans leur parc immobilier.

«Si on avait été à jour dans nos attributions de logements, on aurait obtenu des PSL d’urgence pour les 8 ménages aidés pendant la crise», soutient un employé.

Des travaux majeurs

Du côté de la direction générale, on indique qu’en date du 1er octobre, 75 logements de l’Office étaient vacants.

«De ces 75, 21 sont actuellement en travaux et ne sont pas disponibles», explique la directrice générale Danielle Lavigne.

Quelques semaines plus tôt, la présidente du conseil d’administration et conseillère municipale de Longueuil Monique Bastien expliquait qu’une trentaine de logements étaient réservés pour des travaux majeurs qui avaient été retardés en raison de la pandémie. Ils devraient être terminés au cours de l’automne.

Aux dires des employés, les remises à neuf avaient pourtant toutes été réalisées depuis quelque temps déjà lors de leur rencontre avec le journal, à la fin septembre.

«Pour le reste, on est en cours de location, donc soit en attente de documents, en vérification d’admissibilité ou en attente de retours d’appels, précise la directrice générale. On a actuellement 30 dossiers très actifs», assure-t-elle.

Quelques logements doivent également être conservés vacants en tout temps, en cas de situation d’urgence comme un sinistre majeur. Le taux de vacance des logements de l’OMHL serait actuellement de 1,9%, selon la directrice générale.

«La situation n’est pas aussi dramatique que certains l’ont laissé entendre», soutient Monique Bastien.

Mauvaise gestion de la pandémie

Du côté de la FLHLMQ, le président indique avoir eu vent des problèmes à l’OMHL en avril dernier, quand la Société d’habitation du Québec (SHQ) a demandé de mettre des mesures sanitaires en place, en réponse à la pandémie.

«On a fait le tour des 180 OMH de la province et à Longueuil, on avait des dizaines et des dizaines de plaintes», indique au Courrier du Sud le coordonnateur de la Fédération Robert Pilon.

«Je reçois beaucoup de témoignages que les consignes sanitaires ne sont pas suivies, répond le président du Comité consultatif des résidents de l’OMHL Réjean Gosselin. Ce n’est pas tout le monde qui respecte les règles. Beaucoup de gens m’appellent pour me communiquer leurs inquiétudes»

«On n’a jamais eu autant de plaintes des locataires, entre autres pour malpropreté et insalubrité, qu’au cours de la dernière année, et c’est pire depuis la pandémie», confirme un employé.

Des représentants des locataires déplorent en effet des locaux sales et mal entretenus, des communications non existantes avec l’Office et un manque de respect envers les locataires.

Selon les employés, la direction générale serait même allée à l’encontre des directives de la SHQ en suspendant pendant plusieurs mois les attributions de logements au printemps, alors que le service était considéré comme essentiel.

La directrice générale assure au contraire que l’OMHL «a suivi les recommandations de la SHQ» en suspendant l’attribution des logements.

De son côté, la présidente du C.A. Monique Bastien souligne que les visites de logements ont été suspendues au printemps, à la suite d’une directive de la SHQ. Les «visites» se faisaient ainsi en photos et en vidéos.

Le coordonnateur de la FLHLMQ Robert Pilon souligne que de nombreux ménages à la recherche de logements, organismes et comités de logement ont fait état de difficultés à joindre l’OMHL lors de la crise du logement de juillet. Une situation qui perdure depuis, indique-t-il.

«On était un beau voilier et maintenant, on est un sous-marin percé.»

– Une employée de l’OMHL

 

Une réputation ébranlée

Selon plusieurs sources, l’Office de Longueuil, auparavant cité en exemple, a désormais bien mauvaise réputation dans le domaine.

«L’Office de Longueuil était un des très bons, soutient Robert Pilon. Pendant 10 ans, j’ai travaillé avec l’ancien directeur général Sylvain Boily et ses équipes, des gens compétents et qu’on consultait de partout en province. L’OMHL est passé de l’un des plus compétents et des mieux gérés, où il y avait le moins de plaintes au Québec, à un des moins bons. On a vraiment assisté à une dégradation.»

 

Une situation inacceptable pour la SHQ

«On ne peut accepter une telle situation en ce qui a trait aux logements qui ne sont pas loués», affirme d’entrée de jeu le directeur des communications de la Société d’habitation du Québec (SHQ) André Ménard, lorsque questionné à propos des problèmes à l’OMHL.

Aux dires de ce dernier, la SHQ est «très au fait de ce qui se passe à l’OMHL».

La Société a effectué et continue d’effectuer des suivis avec les dirigeants et les membres du C.A. afin de «résoudre les problèmes, aider à trouver des solutions adéquates et prendre des décisions de saine gestion». Un suivi serait également fait pour s’assurer que les décisions prises par le C.A. ont été appliquées.

«On ne peut pas se substituer à l’Office pour l’instant», indique le directeur des communications, qui explique que cette possibilité existe dans la loi. «On est en contact avec eux et on le sera jusqu’à ce que la situation se règle», assure-t-il.

 

«Ça me choque», lance Michel Lanctôt

Le conseiller municipal Michel Lanctôt, qui a siégé au conseil d’administration de l’OMHL pendant 7 ans avant d’être remplacé en juillet dernier, est inquiet.

«Si les chiffres avancés par les employés au sujet des logements vacants sont exacts, c’est un manque total de la part de l’OMHL, surtout dans un situation de crise comme celle qu’on a vécue cette année», affirme-t-il.

«Ça me choque parce que ces logements doivent venir en aide à des gens dans le besoin; c’est la mission première de l’Office.»

Concernant les problèmes de gestion avancés par les employés, Michel Lanctôt se fait prudent, mais affirme tout de même que «s’ils sont rendus à contacter les médias, c’est que les approches faites n’ont pas été écoutées par la direction».

«Le malaise profond doit être corrigé dans les plus brefs délais parce que c’est la population qui en souffre», ajoute-t-il.

Pour M. Lanctôt, la situation devrait inquiéter l’ensemble des élus de l’agglomération.

«Même s’ils ne siègent pas sur le C.A., tous les élus de l’agglomération sont imputables parce qu’on parle de l’argent des contribuables, avance-t-il. Une ville comme Longueuil, où on sait qu’il y a plusieurs personnes dans le besoin, ne peut pas se permettre d’avoir autant de logements libres.»

Du côté du cabinet de la mairesse Sylvie Parent, on s’en est remis à l’OMHL pour répondre aux questions du journal.

«Nous n’avons aucune raison de croire que les services aux citoyens ne peuvent être assurés et n’avons pas l’intention de commenter ce qui semble constituer des questions de relations de travail ou de régie interne», indique-t-on par courriel.