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Parcs-nature: les défis qui se cachent derrière la coupe de 20 000 arbres

le lundi 06 juin 2022
Modifié à 10 h 05 min le 14 juin 2022
Par Michel Hersir

mhersir@gravitemedia.com

La Ville prévoit terminer son opération d’abattage en 2024. (Photo: Le Courrier du Sud - Denis Germain)

Aux abords des sentiers du boisé Du Tremblay, des arbres et végétaux côtoient les restes de ce qui était autrefois des frênes en pleine santé. Depuis l’automne, la Ville de Longueuil a amorcé une vaste opération d’abattage de 20 000 arbres dans ses parcs-nature, dont environ 17 000 frênes. Au-delà d’une importante transformation du paysage, cette démarche pose de nombreux enjeux pour la Ville.  

«C’est compliqué parce que ce sont des milieux sensibles. Dans les endroits où il y a de l’eau, il faut agir quand le sol est gelé, parce qu’on ne peut pas intervenir dans le milieu humide. Ailleurs, on ne peut pas intervenir sur l’habitat de la rainette, ou celui des oiseaux migrateurs», explique Frédéric Naud, analyste en environnement à la Direction du génie de Longueuil.

 

 

La Ville prévoit terminer son opération d’abattage en 2024, une échéance qui aurait pu être devancée n’eût été la difficulté à dénicher du personnel.

«On aurait pu aller plus vite si les élagueurs étaient sur le marché prêts à prendre des contrats, mais on le voit dans les appels d’offres, il n’y a pas de soumissionnaire», affirme le conseiller municipal Jonathan Tabarah, qui souligne en outre que la Ville n’a pas les capacités à l’interne pour réaliser une opération de ce volume.

«Il n’y a pas beaucoup de compagnies qui font ça, et celles qui ont l’équipement nécessaire, elles aussi perdent leurs employés», ajoute M. Naud. 

(Photo: Le Courrier du Sud - Michel Hersir)

Regarnir les espaces boisés

Sans préciser de date, la Ville entend reboiser les différents espaces dans les prochaines années. M. Naud souligne l’importance de maintenir les milieux avec de nouveaux végétaux, afin notamment d’éviter une prolifération des espèces envahissantes. 

«Dans le parc de la Cité par exemple, à certains endroits, 95% de la végétation au sol sont des espèces envahissantes. Alors en haut, ce sont des frênes morts, en bas ce sont des espèces que tu ne veux pas avoir, qui prennent la place des espèces désirables. À terme, ça ne donne pas un bon résultat si on n’agit pas pour assurer la conservation de l’îlot boisé», soutient-il.

Le reboisement risque toutefois de poser des enjeux d’approvisionnement.

Le conseiller municipal Jonathan Tabarah et l’analyste en environnement à la Direction du génie de Longueuil Frédéric Naud.   (Photo: Le Courrier du Sud - Michel Hersir)

«Normalement les pépinières sont de petites entreprises familiales, qui font deux, trois, quatre espèces d’arbres maximum. Là, la ville ou l’agglomération arrive et dit : j’ai besoin de 15 000 arbres! La capacité n’est pas là», indique M. Tabarah, qui assure que la Ville est prête à mettre les sommes pour y arriver.

«On regarde aussi ce que l’on peut faire à l’interne, mais même si on part une pépinière ici à Longueuil, il faut trouver le terrain et ça peut prendre jusqu’à 10 ans avant qu’on commence à pallier nos problèmes», renchérit-il.

Ce dernier évoque également qu’un reboisement au parc Michel-Chartrand est impossible tant que l’abattage des cerfs ne va pas de l’avant. 

«On a fait des plantations citoyennes avec et sans exclos. À l’intérieur de l’exclos, le taux de survie est de 70%. À l’extérieur, c’est 0%.»

 

De l’orme au frêne

On retrouvait autrefois un très grand nombre d’ormes dans la région montréalaise. Dans les années 1940, la maladie hollandaise de l’orme est venue décimer une grande partie de l’espèce. L’essence de remplacement choisie fut le frêne. 

«Environ un arbre sur cinq en ville était un frêne. C’était un des meilleurs choix qu’on pouvait faire en milieu urbain, parce qu’il était résistant aux insectes, aux maladies, aux sels de déglaçage et qu’il a une grosse canopée», explique Frédéric Naud.

L’agrile du frêne est toutefois apparu en 2012 à Longueuil et s’est proliféré de manière incontrôlable, tuant les frênes à grande vitesse. 

«Elle vient d’Asie et ne causait aucun problème là-bas. C’est un peu comme si notre coccinelle débarquait en Afrique et ferait ravage sur les récoltes de patates douces», illustre M. Naud.

«À la suite de ça, on est mieux d’apprendre à diversifier la plantation!» mentionne-t-il.

 

Valorisation du bois

 

(Photo: Le Courrier du Sud  - Denis Germain)

Le bois des arbres abattus est utilisé de différentes façons. Au parc Michel-Chartrand, où il est plus facile de le sortir du boisé, la Ville se concentre sur le bois à grande valeur de valorisation. Ce dernier permet notamment de faire du bois d’œuvre ou du plancher de bois franc, par exemple. 

La Ville vend également du bois de qualité B, plus petit, en pâtes et papier et le bois est mis en copeaux, entre autres pour des industries qui voudraient remplacer son mazout pour chauffer son procédé industriel. Elle peut également utiliser les copeaux pour ses aménagements paysagers.

Dans le boisé Du Tremblay, le bois est surtout broyé en copeaux et laissé dans la forêt.

 

Sentiers

Si les sentiers des différents parcs-nature ont dû être fermé, c’est que la chute d’arbres posait un risque important pour les marcheurs, soulignait la Ville à l’automne. Le risque était d’ailleurs plus grand comme il s’agissait de frênes morts.

«Contrairement à d’autres espèces qui vont rester debout même mortes, les racines du frêne vont pourrir à la base et l’arbre va tomber», explique Frédéric Naud.

Les sentiers sont aujourd’hui rouverts aux marcheurs, à l’exception d’une partie du boisé Du Tremblay et des sentiers utilisés pour les sports d’hiver dans le parc de la Cité et le parc Michel-Chartrand. Pour ces deux derniers cas, la Ville prévoit réaliser les travaux à l’automne.