Actualités
Faits divers
Société
Simon Dufour, 15 ans, victime de l'intimidation
le lundi 27 novembre 2017
Modifié à 16 h 59 min le 27 novembre 2017

INTIMIDATION. Après le suicide du jeune Simon Dufour, les réactions médiatiques et politiques se multiplient sur le phénomène de l'intimidation à l'école. Et pour cause: selon la famille, les brimades que le jeune homme subissait dans son établissement seraient à l'origine de son passage à l'acte. Les présumés intimidateurs pourraient même faire face à des sanctions judiciaires.
Dans la matinée du 23 novembre, Simon Dufour s'est jeté sous un train de banlieue. L'adolescent, qui avait déjà tenu des propos suicidaires, fréquentait l'école secondaire André-Laurendeau, au programme Jazz-Pop, et subissait de l'intimidation depuis plusieurs années.
Bien qu'il n'en ait pas parlé à sa famille, il aurait fait part de sa détresse à quelques personnes avant de s'enlever la vie. La veille de son suicide, il aurait notamment évoqué ses intentions à un ami résidant aux États-Unis avec qui il jouait à des jeux vidéo.
Après le drame, Karine Dufour, la sœur aînée de Simon, a alerté l'opinion publique dans une publication poignante sur les réseaux sociaux, rapidement devenue virale. Cette dernière y incite les victimes et les témoins d'intimidation à dénoncer et à intervenir au moindre signe.
«Si les gens étaient plus conscients de tout ceci, l'histoire de Simon n'aurait probablement jamais eu lieu», écrit-elle.
Intimidé depuis plusieurs années
«T'es laid. T'es roux. T'es con. Tu ne sers à rien. On ne sait pas ce que tu fais ici…»
Autant d'insultes avec lesquelles Simon Dufour devait composer.
La famille de Simon avait alerté à plusieurs reprises son établissement scolaire sur l'intimidation qu'il subissait. Et ils ne sont pas les seuls à l'avoir fait.
«L’an dernier, Simon avait dit à ma fille que ce serait mieux s'il n'était pas là et s'il n'existait pas», rapporte Gabrielle Charbonneau, la mère d'une camarade d'école de Simon.
Sa fille aurait elle aussi dénoncé la situation à des intervenants de l'école et se serait fait «poliment revirer de bord», selon ses dires.
«Simon lui parlait beaucoup de l'intimidation qu'il vivait dans sa concentration de 3e secondaire, raconte la mère de famille, qui est aussi éducatrice. Ma fille incitait Simon à parler de ses problèmes. Elle était même allée voir un intervenant de 2e secondaire et s'était fait répondre: "Je suis intervenant en 2e secondaire et pas en 3e secondaire, donc, ce n'est pas mon problème"», relate la maman, en ajoutant que ces propos avaient choqué sa fille.
Tant bien que mal, Simon aurait ensuite réussi à aller voir des personnes de l'administration pour parler de son problème et était suivi depuis un an par une travailleuse sociale. Il semblait aller mieux, mais «en réalité, ça continuait», déplore Mme Charbonneau.
La mère de famille évoque un petit groupe de jeunes, connus de l'école, qui intimidaient Simon.
«Ils ont déjà essayé d'intimider ma fille, mais elle s'est défendue, exprime-t-elle. Ces jeunes n'ont pas eu de sanctions à ma connaissance, alors qu'ils ont été signalés plusieurs fois.»
«Simon était un jeune qui n'embêtait personne, poursuit Mme Charbonneau, qui l'avait reçu chez elle. Il était tranquille, très poli et réservé. Il n'avait pas un grand cercle d'amis, et ma fille le voyait moins depuis un an. Aujourd'hui, on est bouleversé.»
En entrevue au Journal de Montréal, le père de Simon a demandé à ce que des méthodes d’intervention plus efficaces soient mises en place pour lutter contre l’intimidation à l’école, en plus de faire une meilleure prévention. Il a également demandé à ce que les intimidateurs soient plus lourdement sanctionnés.
Au moment de mettre sous presse, la Commission scolaire Marie-Victorin n’avait pas répondu aux demandes d'entrevues du Courrier du Sud.
Une enquête en cours
Une enquête du Service de police de l'agglomération de Longueuil (SPAL) est en cours pour déterminer le contexte dans lequel le jeune homme s'est enlevé la vie.
«Les intimidateurs pourraient être accusés si on réussit à prouver que des gestes criminels ont été commis, explique l’agente Claudine Després. Et ce, même s’il n’y a pas eu de violence physique.»
«Aucune piste n'est écartée, poursuit-elle. On va essayer d'obtenir des preuves, et si le cas d'intimidation est avéré, il faudra évaluer la gravité des gestes et des paroles portées. Il faut savoir que l'intimidation figure au Code criminel.»
L'agente a également mentionné que les cas d'intimidation sont pris très au sérieux par le SPAL et les établissements scolaires.
«Les écoles sont généralement très à l’affût de ces situations-là, note Claudine Després. Le SPAL fait habituellement beaucoup de sensibilisation et ça va rarement au pénal.»
Lutter contre la banalisation de l'intimidation
Joint par Le Courrier du Sud, l'acteur Jasmin Roy, créateur d'une fondation qui lutte contre l'intimidation, s'est dit ébranlé par cette nouvelle tragique.
«On a tendance à banaliser les cas d'intimidation et à dire que ce ne sont que des chicanes d'enfants, ou que les choses vont se régler, commente-t-il. Le problème, c'est que ces jeunes n'ont pas toujours ce sentiment de confiance envers les adultes de l'école. Et si un jeune ne peut pas faire confiance à un adulte à l'école, on a un réel problème de société.»
En outre, pour le comédien, les sanctions ne suffisent pas. Il faut réfléchir à une vraie réhabilitation, car les intimidateurs sont des mineurs.
«Il faut que ces jeunes apprennent à développer de meilleures compétences relationnelles et émotionnelles, avance-t-il. Et tant qu'on ne mettra pas ça dans le curriculum vitae des écoles, qu'on ne fera que punir ou suspendre, le problème continuera. Oui, il faut des sanctions pour les intimidateurs, mais il faut surtout agir sur le plan de l'éducation et mettre en place des programmes pour développer une meilleure socialisation de ces jeunes.»
Jasmin Roy rappelle que si la plupart des victimes d'intimidation développent des troubles mentaux ‒ troubles alimentaires, du sommeil, anxiété ou dépression ‒ et gardent des séquelles durant plusieurs années, il est cependant rare que des jeunes passent à l'acte et s'enlèvent la vie.
Besoin d’aide ?
Les centres de prévention du suicide sont composés de professionnels, d’intervenants qualifiés et de bénévoles formés pour accueillir toutes les demandes d’aide et répondre aux questions.
Si vous avez besoin d’aide pour vous ou pour un de vos proches, contactez le 1 866 APPELLE (277-3553).