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Vers un inéluctable changement de la culture policière

le mardi 16 octobre 2018
Modifié à 6 h 59 min le 16 octobre 2018
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

SÉCURITÉ PUBLIQUE. Au-delà des chiffres sur la criminalité, une statistique frappe le directeur du SPAL Fady Dagher: 69%. C’est la part des interventions policières non reliées à des interventions criminelles. Une donnée qu’il est impossible d’ignorer et qui nécessite rien de moins qu’un changement de culture majeur. À LIRE AUSSI: Rapport 2017 du SPAL: le mouvement #metoo apparaît dans les statistiques «69% de nos appels sont liés au non-criminel. C’est majeur… On parle d’appels plus complexes, de clientèle vulnérable, de détresse humaine», évoque le chef. «Mais sommes-nous prêts? Les policiers qui ont été éduqué de manière plus traditionnelle, plus noir et blanc, law and order… c’est maintenant beaucoup plus gris, poursuit-il. Et il est là, le défi des corps policiers. Changer une culture policière, de combattant du crime à police de proximité, de comprendre les nuances d’une communauté, ça prend des années.» Il importe selon lui de développer davantage l’aspect émotionnel de l’approche policière, tel que la psychologie sociale, la médiation, la négociation, l’intérêt pour la communauté. En 2018, trois ressources civiles ont été embauchées par le SPAL: un spécialiste en développement de relation avec la communauté et les partenaires, un spécialiste du milieu de la recherche et un psychothérapeute. «Ce n’est pas rien: il y a des besoins sur le terrain, en amont, sur des interventions plus délicates. Ce sont des conseillers qui vont nous aider à amener ce changement majeur.» Distinguer prévention et «RAC» [caption id="attachment_58296" align="alignleft" width="290"] Fady Dagher[/caption] Fady Dagher fait une distinction entre prévention et relation à la communauté (RAC). Il imagine un projet pilote de parrainage entre des agents et des familles. La famille pourra discuter de différents problèmes avec «son» agent, que ce soit un problème d’éclairage dans la rue ou un manque de mobilier urbain dans un parc. Grâce à un ensemble de partenariats, le policier pourra ensuite faire des démarches pour trouver des solutions. «Le jour où le policier va réussir à améliorer la qualité de vie de citoyens, qui n’a rien à voir avec le criminel, le citoyen va dire: "J’ai vraiment ma police". C’est ce que je veux créer. Ça favorise le lien de confiance, ça renforce le sentiment de sécurité.» Le policier en skate est aussi un bel exemple de cette relation avec la communauté à développer. «Thierry [Hinse-Fillion] a poussé plus loin l’audace, se réjouit Fady Dagher. Une fois, quand il s’est installé avec un jeune dans le parc, quelques personnes âgées sont restées. Il développe un lien, il échange avec eux. Il n’est pas là pour prévenir l’exploitation sexuelle ou la toxicomanie. Il devient un genre de parrain avec ces gens. Oui, la notion de prévention est là, mais la notion d’attachement, c’est ce qu’il faut pousser plus loin.» Groupe Contact Le Groupe Contact est l’une des autres fiertés de l’équipe du SPAL. Ce dernier consiste à organiser une rencontre avec un ensemble de parents, dont les jeunes ont été identifiés comme ayant un potentiel de délinquance et qui pourraient se tourner dans la criminalité. Le but est d’intervenir avant qu’il ne soit trop tard. L’équipe a été bonifiée par différents intervenants issus de divers milieux, tel que les centres jeunesse ou les écoles concernées. C’est le fruit d’une «coordination entre les agents de collecte de renseignements et ceux de la prévention, explique l'analyste Marie-Ève Dyotte. On veut trouver comment aider ces jeunes – des mineurs – sans aller en répression. On veut couper la trajectoire pour ne pas qu’ils s’ancrent dans la délinquance.» Le contexte de groupe permet également de tisser des liens entre les parents, qui peuvent ainsi se soutenir entre eux et mieux comprendre ce que vit leur jeune. «En 28 ans de carrière, c’est la première fois que je vois cette approche, reconnaît Fady Dagher. En voyant cette synergie police-parent à cette soirée, j’ai eu des frissons. Ce sont de grosses charges émotives pour les parents: ils en apprennent sur leur jeunes et ils en ressortent outillés.»