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Pour en finir avec les idées reçues sur la pauvreté

le mardi 18 octobre 2016
Modifié à 0 h 00 min le 18 octobre 2016

SOCIÉTÉ. Conférences, soupe populaire et marche de solidarité étaient au programme de la rencontre organisée par le comité du Regroupement-anti-pauvreté de Saint-Hubert (RAPSH), lundi, au pavillon du parc de la Cité, à l'occasion de la Journée mondiale du refus de la misère.

L'événement matinal, qui a réuni une quarantaine de personnes, a levé le voile sur le nouveau visage de la pauvreté et dressé un tableau préoccupant de l'évolution du phénomène au Québec. En effet, plus de familles et de travailleurs à temps plein vivent désormais sous le seuil de pauvreté.

Invitées à présenter leurs travaux devant un public composé de citoyens, de représentants d'organismes communautaires et de personnalités politiques, les conférencières Julia Posca, chercheuse à l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS), et Virginie Larivière, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté (Le Collectif), ont démontré le lien intrinsèque entre faible revenu et pauvreté.

Selon les militantes, il faut s'attaquer de front à cette question et repenser les priorités de l'État. Ainsi, selon Virginie Larivière, qui soutient la campagne 5-10-15 en faveur de l'augmentation du salaire minimum, pour qu’une personne seule travaillant à 35 h/semaine ne soit plus considérée comme pauvre, le taux horaire doit passer de 10,55$ à 15$/h.

En interpellant le pouvoir politique et l'opinion publique, les représentantes de l'IRIS et du Collectif demandent à ce que des mesures pour lutter contre les inégalités socio-économiques soient prises.  

Résorber la dette cumulée envers les pauvres

Tandis que plus de 10% de la population québécoise n'a pas le nécessaire pour subvenir à ses besoins de base – c’est-à-dire se nourrir, se vêtir et se loger  –, 20% de la population détient 50% des richesses de la province, selon les chiffres de Statistiques Canada de 2011.

Données à l'appui, l'experte de l'IRIS a ainsi démontré l'ampleur du «déficit humain». Ce terme rend compte du manque de «dollars vitaux» des individus vivant sous le seuil de pauvreté.

«Les libéraux se préoccupent d'équilibrer le budget du Québec et parlent de "déficit zéro", mais il s'agirait avant tout de résorber la dette cumulée envers les plus pauvres. Aujourd'hui, nous sommes face à une politique qui nuit clairement à la lutte contre la pauvreté», soutient Julia Posca.

Plus de 842 000 personnes ne couvriraient pas leurs besoins de base en 2013, d'après l'IRIS. Le revenu minimum dont ces gens disposent n’étant pas suffisant pour assurer un accès aux biens et services de base prévus, d'après la mesure du panier de consommation (MPC) définie par les Ressources humaines et développement des compétences Canada (RHDCC). En tenant compte du coût de la vie, ces études indiquent que ce seuil de pauvreté représente un revenu en deçà de 17 246$/an. On estime par ailleurs que 24 532$/an sont nécessaires à un individu pour sortir de la pauvreté dans le Grand Montréal.

«L'État n'a pas les priorités à la bonne place. Comme société, nous pouvons faire mieux que ça et nous attaquer aux vrais problèmes. Ça prend une volonté politique pour trouver des solutions et faire de vrais changements», poursuit-elle.

En effet, d'après l'IRIS, en cumulant le coût annuel de ce déficit humain par rapport à la MPC pour l’ensemble de la population québécoise, «on obtient le montant total du capital emprunté aux plus pauvres en maintenant la structuration inégalitaire de la répartition des revenus dans notre société, soit 27 G$ en dollars courants entre 2002 et 2011».

Avec 27 G$ sur une dizaine d'années, ce déficit humain représente par conséquent un fardeau plus de trois fois plus lourd que la dette publique du Québec, selon l'IRIS. 

«Travailler à temps plein et être pauvre»

Le travail n'est plus un gage de prospérité. En 2016, on peut avoir un emploi à temps plein et être pauvre.

En effet, dans le Grand Montréal, 40% des personnes de 18 à 64 ans vivant sous le seuil de pauvreté ont un emploi, selon le rapport sur les travailleurs pauvres de l'organisme Centraide du Grand Montréal et de l'Institut national de la recherche scientifique (INRS) dévoilé ce lundi.

Les auteurs de l'étude soulignent notamment le fait que parmi ces travailleurs pauvres, 70% ont un emploi à temps plein.

Quelque 125 000 personnes sont confrontées à cette réalité. En 10 ans, le nombre de travailleurs pauvres a crû d’environ 30% dans le Grand Montréal; ce qui placerait la ville au 4e rang des métropoles  canadiennes en ce qui  a trait au taux de travailleurs pauvres.

Cette importante croissance a également été observée dans l’agglomération de Longueuil, où on recense entre 8,1 et 12,4% de travailleurs pauvres selon les quartiers. Seule Saint-Lambert semble tirer son épingle du jeu.

Les familles monoparentales, les immigrés et, par répercussions, les enfants sont les plus touchés par ce phénomène en expansion. L'étude estime en effet que 55% de ces travailleurs pauvres ont des enfants.