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Projet Symbiocité suspendu: décret d’urgence pour la rainette

le mardi 28 juin 2016
Modifié à 0 h 00 min le 28 juin 2016
Par Joelle Bergeron

jbergeron@gravitemedia.com

FAUNE. Le projet domiciliaire Symbiocité menace la viabilité à long terme de la rainette faux-grillon à La Prairie, jugée nécessaire pour le rétablissement de l’espèce en Montérégie, affirme le biologiste Mark Dionne, du service canadien de la faune. Présentant les grandes lignes d’un décret d’urgence adopté par Ottawa et qui entrera en vigueur le 17 juillet, le biologiste conclut que le projet domiciliaire du Bois de la Commune est une menace imminente pour la survie de l’espèce parce qu’il est localisé au cœur de la métapopulation de la minuscule grenouille de 2,5 cm, présente à différents endroits en Montérégie, dont Brossard et Longueuil.

«Si le projet va de l’avant tel que prévu, c’est 25% des étangs de reproduction restants qui seront détruits et d’autres pourraient également être menacés de par le fait qu’ils vont se situer, par exemple, en bordure du projet», a expliqué l’expert.

«Les mesures d’atténuation qui ont été prises jusqu’à maintenant par la Ville, soit la création d’étangs, le phasage ou le parc de conservation, ne permettent pas de réduire le risque à la survie de la métapopulation», a-t-il ajouté.

Se basant sur les données scientifiques existantes, les experts d’Environnement Canada ont conclu que la sauvegarde de l’espèce passe par un décret d’urgence.

Ce décret, pris en vertu de la Loi sur les espèces en péril, s’appliquera dans les municipalités de La Prairie, Candiac et Saint-Philippe. Le décret couvrira une superficie de 2 km2.

Le décret exclut les phases 1 à 4 de Symbiocité. Évalué à 300 M$, le projet domiciliaire en six phases devait comprendre plus de 1200 unités d’habitations ainsi que des services (école, garderie, parc, aréna, etc.). Sur le lot, seules 171 unités ne pourront être construites dans les phases 5 et 6. À ce jour, plus de 250 unités sont construites et habitées.

Les activités récréatives dans le parc de conservation du marais Smitters demeureront permises dans les zones aménagées à cet effet.

L’économiste d’Environnement et Changement climatique Canada, Jean-Michel Larivière, a confirmé que la Ville et le promoteur Ted Quint n’obtiendront pas de compensations financières.

Réactions

Des groupes environnementaux

Le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) et Nature Québec, qui demandaient l’adoption d’un décret d’urgence, avaient porté l’affaire devant la Cour fédérale en 2013. Ils se réjouissent d’avoir obtenu gain de cause.

«Avec un premier décret en terres privées, le gouvernement canadien lance le signal que la protection des espèces en péril est certes un champ de compétence partagée, mais que la loi pourra venir à la rescousse de nos espèces menacées ou vulnérables si le Québec ou une autre province n’assume pas ses responsabilités», dit la directrice générale du CQDE, Karine Peloffy.

L’organisme longueuillois Ciel et Terre félicite également le gouvernement fédéral pour cette décision. Après près de trois ans d’attente devant la Cour fédérale, Ciel et Terre est d’avis qu’il était temps que des mesures de protection soient mises en place.

«Considérant l’urgence du dossier, l’attente a été très longue, mais on comprend que c’est la première fois qu’un décret est adopté sur des terres qui n’appartiennent pas à la Couronne, souligne le chargé de projet pour Ciel et Terre, Tommy Montpetit. On espère que ce décret ouvrira des portes et améliorera la protection des espèces menacées dans l’ensemble du Canada.»

Ciel et Terre souligne toutefois que d’autres populations de rainettes faux-grillon du sud du Québec sont encore à risque. La destruction des milieux humides reste un enjeu majeur en Montérégie et menace la survie et le rétablissement de l’espèce.

De l’Union des municipalités du Québec

De son côté, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) clame que l’adoption de ce décret crée un «dangereux précédent» pour l’autonomie municipale. L’organisme déplore également les impacts sociaux économiques découlant de cette décision; point de vue que partagent la Fédération des chambres de commerce du Québec et l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec qui dénoncent des pertes d’emplois de ses membres.