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Elle se bat depuis 3 ans pour que sa maison «cassée» en deux soit réparée

le mardi 02 novembre 2021
Modifié à 11 h 49 min le 03 novembre 2021
Par Geneviève Michaud

gmichaud@gravitemedia.com

Une portion de la maison mobile d’Isabelle Roy lors de sa relocalisation. (Photo : Gracieuseté)

Propriétaire depuis 2011 d’une maison mobile pour laquelle elle loue un emplacement au Domaine le Marquis, dans l’arr. de Saint-Hubert, Isabelle Roy vit l’enfer depuis que sa maison a dû être brisée en deux pour être relocalisée ailleurs dans le domaine, en novembre 2018.

Près de 3 ans après avoir été déplacée, la maison dans laquelle habitent Isabelle Roy et ses deux jeunes enfants n’a toujours pas été complètement réparée, entraînant entre autres des problèmes d’isolation, des infiltrations d’eau et de neige et des problèmes de plomberie.

La raison? Les parties impliquées se renvoient la balle à savoir qui est responsable.

La Ville de Longueuil soutient que ses démarches ont eu lieu avec Keystone Communities, alors propriétaire du Domaine le Marquis, et que la décision de relocaliser les maisons à un autre endroit du site a été prise par l’entreprise. Keystone, qui a vendu le Domaine à Capreit en 2019, allègue que cette dernière a acquis le problème en faisant l’achat du Domaine. Et Capreit affirme que la responsabilité des réparations revient à Keystone, qui était propriétaire du Domaine au moment de la relocalisation.

«Ça ne m’intéresse pas de savoir qui est coupable, affirme Isabelle Roy, en entrevue au Courrier du Sud. Ce que je veux, c’est que ma maison soit remise en état ou qu’on me la rachète au prix qu’elle valait avant la relocalisation, en plus de me verser un dédommagement.»

La maison d'Isabelle Roy à son nouvel emplacement (Photo : Le Courrier du Sud - Denis Germain)

Dossier de longue haleine

Selon les informations obtenues par Le Courrier du Sud, l’histoire débute en décembre 2014, lorsque le Service de sécurité incendie de l’agglomération de Longueuil (SSIAL) informe Keystone Communities de diverses corrections à apporter dans le Domaine le Marquis, incluant la création d’un chemin de bouclage pour la circulation des camions de pompiers au bout du chemin 200. Ce chemin doit passer par les lots de trois locataires, dont celui d’Isabelle Roy.

«Le règlement concerné date de 2003 et stipule qu’un camion de pompiers ne peut pas s’engager dans un cul-de-sac sans possibilité de se retourner», explique le porte-parole de la Ville de Longueuil Hans Brouillette.

 

«Je me suis embarquée dans la démarche en faisant confiance aux parties impliquées et parce qu’il s’agissait d’une question de sécurité publique.»


– Isabelle Roy

 

Afin de satisfaire aux demandes de la Ville, Keystone remet ainsi un avis d’éviction aux trois locataires en septembre 2016, les enjoignant de quitter leur lot à l’expiration de leur bail. Un avis d’éviction qui est rapidement contesté par les trois occupants devant la Régie du logement, puis devant la Cour supérieure.

Le dossier tardant à se régler, la Ville de Longueuil dépose une demande d’injonction contre Keystone, le 6 juillet 2017, pour la forcer à prendre action. En découlent quelques jours plus tard une entente sur l’échéancier pour la correction du chemin de bouclage ainsi qu’une entente intérimaire entre les locataires et Keystone, dans lesquelles Keystone s’engage à relocaliser les maisons des trois locataires sur des lots de taille similaire, dans un nouvel aménagement du Domaine, qui doit alors faire l’objet d’un agrandissement.

Relocalisation complexe

Après plusieurs mois de pourparlers et de tractations, les trois maisons mobiles sont finalement relocalisées en novembre 2018, mais sur des lots déjà existants, tout près de l’entrée, le projet d’agrandissement du Domaine étant finalement mort dans l’œuf.

Si la relocalisation se passe somme toute sans trop de problèmes pour les deux autres locataires, le déménagement de la maison d’Isabelle Roy s’avère plus complexe.

«Ma maison comportant une rallonge, les travailleurs ont dû la «casser» en deux pour la déplacer, raconte la propriétaire. La chambre de mon fils a fait une balade toute seule sur un camion et la maison principale, incluant ma chambre et celle de ma fille, a été embarquée sur un autre véhicule.»

Rapidement après le déménagement, de nombreux problèmes ont fait surface.

«La première nuit, on voyait les phares des voitures qui roulaient sur la 116 entre les deux morceaux de la maison», raconte la maman.

La famille a entre autres passé huit semaines sans eau lors de l’hiver 2018-2019, la tuyauterie ayant été endommagée lors du déménagement, effectué tard à l’automne.

On peut pourtant lire, dans l’entente sur l’échéancier pour la correction du chemin de bouclage, que «les maisons mobiles ne peuvent être relocalisées durant la saison hivernale, en raison de la présence d’eau gelée dans les tuyaux».

 

«Les experts consultés avant la relocalisation ont tous conseillé à Keystone de racheter ma maison et de la détruire,.»

– Isabelle Roy

 

Ce n’est finalement qu’en janvier 2019 que la maison sera finalement quelque peu raccommodée, mais Isabelle Roy devra elle-même payer pour en faire refermer le toit.

L’entente intérimaire entre les locataires et la Keystone précise pourtant que l’entreprise «a la responsabilité de prendre toutes les assurances nécessaires et requérir les services de spécialistes afin de s’assurer qu’aucun bris ne survienne» lors de la relocalisation.

Des infiltrations d'air et d'eau se produisent encore à l'endroit où les deux morceaux de la maison ont été séparés. (Photo : Le Courrier du Sud - Geneviève Michaud)

Encore aujourd’hui, la maison n’est pas complètement réparée.

«En juin, un de mes enfants est passé au travers du plancher en se levant des toilettes», raconte la résidente, qui déplore qu’à aucun moment, Keystone ou Capreit n’a fait de vérifications à l’intérieur de sa maison.

«Je devais avoir un choix de terrain, mais je ne l’ai pas eu, et je me retrouve maintenant tout juste à côté du bureau administratif, sur un terrain 50% moins grand mais pour lequel je paye le même loyer, poursuit la propriétaire. J’avais de grandes terrasses de chaque côté de ma maison qui n’ont pas été refaites et pour lesquelles je n’ai de toute façon plus assez de place. Et c’est sans compter tous les désagréments d’être juste à côté du bureau, avec le bruit, la lumière de sécurité qui éclaire directement dans ma chambre et les livreurs qui se présentent constamment chez moi quand il n’y a pas de réponse au bureau…»

La maison d'Isabelle Roy se trouve désormais très près du bureau administratif (à droite), entraînant bien des désagréments pour la famille. (Photo : Le Courrier du Sud - Geneviève Michaud)

«J’ai investi beaucoup de temps et d’énergie dans ce dossier depuis 2013 et m’a maison a perdu 40 000$ de sa valeur foncière», ajoute-t-elle.

Une nouvelle tuile

Le bail d’Isabelle Roy a pris fin le 1er juin dernier, mais cette dernière refuse de quitter sans que sa maison ne soit réparée ou qu’un dédommagement lui soit versé.

«Ma maison ne survivrait pas à un autre déplacement, et plusieurs villes n’acceptent plus les maisons mobiles», explique-t-elle.

En réponse au refus de quitter de sa locataire, Capreit a entamé le 20 octobre des procédures d’éviction accélérées. Un juge entendra le dossier le 3 novembre.

 

 

Face à ces nombreux problèmes, Isabelle Roy se sent bien seule.

«Si je fais appel au Protecteur du citoyen de Longueuil, je dois renoncer aux poursuites, explique-t-elle. Le ministère de la Justice ne peut pas m’aider parce que ça me prend un avocat et je n’ai pas les moyens de m’en payer un. L’aide juridique ne peut me fournir un avocat que pour certaines parties du dossier. Et le ministère des Affaires municipales ne peut pas m’aider parce que la Ville de Longueuil a un Protecteur du citoyen…»

«Un avocat que j’ai consulté m’a dit «Fais faillite; ce sera plus simple, poursuit-elle. Mais même si je fais faillite, mon prêteur hypothécaire m’a informée qu’il ne reprendra pas ma maison et je serai toujours prise avec…»

Keystone et Capreit n'avaient pas répondu aux demandes d'entrevues du Courrier du Sud au moment de publier.