Culture

Le problème d’infiltration: plongée dans l’ombre d'un narcissique

le mercredi 17 février 2016
Modifié à 0 h 00 min le 17 février 2016
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

CINÉMA. Un «sujet sombre, traité de façon hyper sombre», résume Robert Morin rencontré le 16 février, dans les studio Melrose de Saint-Hubert sur le plateau de tournage de son prochain film Le problème d’infiltration. Le film offre un plongeon au cœur d’une journée où tout bascule dans la vie d’un narcissique compulsif.

Le problème d’infiltration symbolise toutes les malchances qui arriveront subitement dans la vie de Louis Richard, un homme très contrôlant interprété par Christian Bégin, et qui le pousseront à révéler sa monstruosité.

«Des personnages narcissiques, on en connaît. Ceux qui poussent leur narcissisme à l’extrême, comme des Guy Turcotte, il y en a des dizaines. Les narcissistes extrêmes se considèrent comme des systèmes solaires; tout doit tourner autour d’eux et si une planète débarque, c’est inconcevable», explique Robert Morin.

Tourné en six faux plans-séquences, le film s’inspire de l’esthétisme de l’expressionnisme allemand. Le réalisateur de Que Dieu bénisse l'Amérique souhaite ainsi revisiter les archétypes de ce courant datant du début du 20e siècle, avec des moyens modernes.

«Ces films traitent toujours à la base de problèmes psychologiques. L’idée est d’amplifier l’état mental du personnage par le biais d’outils du cinéma comme l’éclairage, les décors, le montage. Le plan-séquence permet d’évoquer l’enveloppement des personnages.»

Le problème d’infiltration serait peut-être ainsi le film le plus «technique» de l’oeuvre de Robert Morin, déjà reconnu pour sa constante innovation sur le plan de la forme.

Art du compromis

Avec un budget de 2,2 M$, cette production de Coop Vidéo de Montréal est tournée en seulement 18 jours,  loin de la moyenne de 25 à 30 pour un long métrage. Le réalisateur s'était déjà livré à ce type de sprint avec Le Neg'.

Un autre film de Morin sortira d'ailleurs sous peu, Un paradis pour tous, créé avec une équipe de quatre personnes et un budget de seulement 100 000$.

Dans le cas de Problème d’infiltration, «le peu de lieux de tournage et l'expérience de Robert permettaient ça», avance le producteur Luc Vandal.

Si certains cinéastes ne vivent que pour les plateaux de tournage, un film s'invente «entre les deux oreilles» pour Robert Morin  «Je suis plus un solitaire, j'aime beaucoup écrire. C'est là que ça se passe, tout seul dans ma cabane dans le bois, évoque-t-il. Une fois venu le temps de le concrétiser, c'est toujours très douloureux. C'est l'art du compromis.»

Soulignons qu'une partie du tournage a été effectuée dans une maison près du Quartier DIX30.

Le «trip» d’un premier rôle

Pour la première fois en 30 ans de carrière, Christian Bégin participera à un tournage du début à la fin. Il voit ce premier premier rôle au cinéma comme un cadeau, d’autant plus qu'il lui permet de collaborer avec un cinéaste dont il apprécie l’œuvre et la liberté artistique.

Lors de la visite du plateau, l’acteur jouait la dernière scène du film, les deux pieds dans l’eau qui envahit le sous-sol de la résidence cossue de son personnage; des contraintes physiques qui aident à se glisser dans l'état du personnage.

Mais le défi de tourner en faux plans-séquences exige un certain niveau de concentration. «Je suis très tributaire de la technique.  Quand ça ne marche pas, il faut reprendre depuis le début de la scène. Je dois conserver le même état et accepter de me retrouver dans des zones inconfortables», raconte-t-il.

Christian Bégin a d'ailleurs eu peu de temps pour se préparer, ayant reçu l'appel de Robert Morin à la dernière minute. «Je n'étais pas son premier choix. Il me connait peu comme comédien; c'est quelqu'un de l'équipe qui lui a fait une suggestion… et il m'a offert le rôle sans audition, ce qui est un grand privilège.»