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Mieux comprendre les fugueurs pour mieux les aider

le lundi 03 juin 2019
Modifié à 12 h 01 min le 03 juin 2019
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

MOBILISATION. Un jeune sur quatre qui fréquente un centre jeunesse expérimentera la fugue à un moment ou un autre de son parcours. Bien que la majorité des fugues durent moins de 24 heures, il n’empêche que le phénomène inquiète et nécessite la mobilisation de nombreux partenaires. La Journée de mobilisation Ensemble autour des jeunes fugueurs a permis aux différents partenaires appelés à intervenir directement ou indirectement auprès des fugueurs de tisser des liens et mieux connaître leur mission respective. Il s’agit d’une toute première édition, organisée par le Centre intégré de santé et services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Est. Des intervenants du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL), des commissions scolaires Marie-Victorin et des Patriotes, ainsi que de Prévention jeunesse Longueuil et Macadam Sud étaient présents, le 16 mai. Fugueurs chroniques La fugue est une réalité bien tangible dans les centres jeunesse. «Il y en a beaucoup, reconnait la conseillère cadre de la direction du programme jeunesse du CISSS Sophie Dubuc. Et c’est surtout le noyau de fugueurs chroniques qui nous inquiète le plus. Car quand ils sont partis, on ne peut pas offrir de services de réadaptation. Ça retarde leur retour dans la société, ça reporte leur parcours scolaire.» Pour contrer le phénomène, il faut d’abord bien le comprendre et notamment voir la fugue comme un symptômes d’autres problèmes. «Ce qui portent les jeunes à fuguer, ce n’est pas juste un besoin de liberté», signifie Mme Dubuc. La fugue sera souvent l’occasion d’aller «se tester» et de tenter de créer des réseaux pour des jeunes qui redoutent le moment où, à l’âge de 18 ans, ils devront quitter le centre jeunesse.
«L’autonomie fait peur.» - Sophie Dubuc
Un outil qui porte fruit Depuis un an, un outil a été mis en place à titre de projet pilote afin que les différents partenaires puissent mieux planifier les intentions en contexte de fugue. Jusqu’à maintenant, huit services ont testé l’outil, ce qui a entrainé une réduction de 27% des fugues chroniques. «C’est très prometteur, se réjouit Sophie Dubuc. On souhaite l’implanter partout.» Cet outil «permet de mieux structurer notre intention, de mieux la planifier, ce qui est un peu délicat, car une fugue arrive toujours en urgence. Ça établit par exemple après quels délais on doit contacter les policiers, comment impliquer les parents, les organismes, etc.» Exploitation sexuelle Lorsque une fugue survient de manière plus «impulsive», le retour au bercail est souvent plus rapide. «Quand il est une heure du matin, qu’ils ont froid et n’ont rien à manger, ils reviennent», expose Sophie Dubuc. En général, ceux qui fuguent plus de 24 heures ont planifié le coup et ont un endroit où aller. Et les risques liés aux fugues – de courte ou de longue durée – est bien réel. En plus d’effriter la relation avec les parents, elles peuvent se traduire pour les jeunes par de la consommation de drogues et la fréquentation de pairs à risque. C’est souvent dans ces situations de vulnérabilité que les jeunes filles peuvent être recrutées et tomber dans l’exploitation sexuelle. La coordonnatrice de Prévention jeunesse Longueuil Audré-Jade Carignan rappelle que la plupart des victimes d’exploitation sexuelle ont été des fugueurs, mais l’inverse n’est pas forcément vrai. Ces deux phénomènes étant intrinsèquement liés, les partenaires qui interviennent sont souvent les mêmes. Prévention Jeunesse de Longueuil est une concertation d’organismes qui luttent contre l’exploitation sexuelle, dont la Maison Kekpart, 2159, les CISSS Montérégie-Est et Montérégie-Centre, le CAVAC et la Commission scolaire Marie-Victorin. Prévention jeunesse permet notamment de coordonner le travail de ces intervenants et faciliter l’échange d’information. Les organismes offrent aussi un soutien direct sur le terrain, alors que 2159 fournit par exemple des places d’hébergement. Un soutient financier permet aussi d’offrir des ateliers de sensibilisation et prévention dans les milieux scolaires et communautaires. La prévention doit se faire tant auprès de la population en général qu’auprès des jeunes plus à risques, qui «cumulent des facteurs de vulnérabilité», afin de leur assurer un «filet de sécurité», note Mme Carignan. La sensibilisation s’exerce aussi afin de soutenir les victimes lorsqu’elles sortent du milieu et se retrouvent «très fragilisées». Après le succès de cette première journée de mobilisation, le CISSS Montérégie Est entend répéter l’expérience dans les villes de la région où se trouvent les campus du Centre jeunesse de la Montérégie, soit Saint-Hyacinthe et Chambly.     Série Fugueuse Selon Sophie Dubuc, la série Fugueuse aura eu l’avantage de mettre en lumière le phénomène. «On a plus d’écoute des différents partenaires. Ce n’est plus considéré comme un phénomène marginal. On est capable de davantage s’organiser.»