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Vidéo - Multiplication des visages de l’itinérance à Longueuil

le mardi 09 mars 2021
Modifié à 17 h 17 min le 05 mars 2021
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

Impossible pour le Service de police de l'Agglomération de Longueuil et les organismes qui œuvrent auprès des itinérants d’en chiffrer le nombre sur le territoire. Une chose est sûre cependant, la COVID-19 les a fait sortir de l’ombre. Explications. «On voit désormais beaucoup de visages de personnes qu’on ne connaissait pas», affirme Julie Tessier, coordonnatrice clinique à L’Abri de la Rive-Sud à Longueuil. Le confinement généralisé, en mars 2020, a aussi été dévastateur pour eux. La fermeture des organismes a eu pour conséquence de les priver de ressources dont ils bénéficiaient. Ils ont en même temps été coupés du réseau personnel qu’ils pouvaient avoir développé pour survivre au fil des ans. Par exemple, ils ne pouvaient plus quêter auprès d’étudiants du cégep ou des travailleurs qui prennent habituellement le métro. [caption id="attachment_109208" align="alignright" width="385"] Julie Tessier, coordonnatrice clinique à l’Abri de la Rive-Sud, a fait visiter la salle qui abrite les lits d’urgence cet hiver.[/caption] «Certains avaient l’habitude de faire des petites jobines pour des commerçants comme passer le balai ou faire le ménage en échange d’un repas, ajoute Ghislain Vallières, policier aux relations communautaires et médiatiques qui les côtoie. D’autres fréquentaient des parcs pour ramasser les canettes consignées, mais plus personne ne sortait.» Puis, la pandémie en elle-même a constitué une «grande perte d’équilibre», fragilisant davantage leur santé mentale, rapporte Mme Tessier. L’organisme dispose de 30 chambres, autant pour «ceux qui ont besoin de se déposer, de prendre une douche et de manger» avant de retourner à leur vie d’itinérance, que d’autres qui veulent – parfois à répétition – entreprendre une démarche pour s’en sortir. L’endroit offre de l’hébergement à court terme, soit de quelques semaines. Le froid a aussi forcé l’Abri à aménager cinq lits d’urgence dans un local cet hiver. Une à deux personnes y dorment régulièrement. Néanmoins, il y a deux semaines, l’organisme a dû en refuser, faute de place. L’endroit est sous surveillance d’un gardien pendant toute la nuit pour assurer la sécurité. Les itinérants sont souvent lourdement intoxiqués à l’alcool, aux médicaments ou aux drogues, ce qui alourdit leurs problèmes de santé mentale. Isolement et drogues Les itinérants souffrent eux aussi de l’isolement. «Avant, ils déjeunaient et soupaient tous ensemble dans une grande salle à manger. Avec la COVID, ce sont des tables individuelles. On doit faire trois services», explique Mme Tessier. Les bénéficiaires n’ont plus accès non plus au café à volonté. Ils doivent le demander, mais ils le font peu et «stagnent dans leur chambre», poursuit-elle. Manque d’hébergements à long terme En tournée avec le policier, Le Courrier du Sud s’est aussi rendu à la Halte du coin, une nouvelle ressource qui dispense depuis août nourriture et hébergement aux sans-abri dans l’ancienne église de Notre-Dame-de-Grâce. Chaque soir, 25 lits de camps sont montés pour accueillir des sans-abris. Il faut faire la file à compter de 18h30 pour s’en prévaloir. «On a refusé un record de 12 personnes l’autre soir», dévoile l’intervenant Pierre-Luc Dupré. C’est là que le Journal a rencontré François, un homme de 60 ans qui espère partir à la recherche d’un emploi et d’un logement à la fin de l’hiver. «Mais ils sont rares et chers», précise celui qui est itinérant depuis quelques années, à la suite d’une rupture amoureuse. Il a avoué souffrir d’alcoolisme.

«Il y a une augmentation de l’itinérance visible à Longueuil. Clairement, la COVID-19 l’a mise en lumière.» - Julie Tessier, coordonnatrice clinique à l’Abri de la Rive-Sud
[caption id="attachment_109209" align="alignleft" width="326"] L’Abri de la Rive-Sud à Longueuil dispose de 30 chambres pour accueillir des itinérants qui cherchent un gite.[/caption] Autant les lits d’urgence à l’Abri de la Rive-Sud que le service de la Halte du coin dépendent d’une aide financière que les organismes espèrent devenir récurrente. Pour le policier Ghislain Vallières, la solution doit être plus globale. «Il faut davantage de centres d’hébergement à long terme, de 12 ou 24 mois, pour qu’ils aient le temps de se prendre en main. Certains itinérants vivent des chocs post-traumatiques qui nécessitent des suivis médicaux à long terme, dit-il. Il y a aussi un manque criant d’appartements à prix modique et adéquats.» L’agent croit également qu’il faut des emplois adaptés à leur réalité, ainsi que des employeurs compréhensifs. «Peut-être que certains ne pourront jamais travailler à temps plein même après une embauche progressive, mais je ne peux pas croire que certains commerçants n’ont pas besoin de main-d’œuvre à temps partiel», croit-il. https://www.dailymotion.com/video/x7zqczm  

Plus agressifs qu’avant

Les intervenants constatent aussi que les sans-abris ont des comportements plus agressifs ces derniers mois. Certains éprouvent aussi des absences passagères ou des trous de mémoire, ajoutés à des douleurs physiques. Cette situation serait peut-être une conséquence indirecte de la pandémie. «Ce qu’on constate et ce que les intervenants nous disent, c’est que la drogue de synthèse ne serait plus de la même qualité depuis le début de la COVID. On en a saisi pour les faire analyser», révèle l’agent Vallières. Le prix des drogues de synthèse dans la rue a en même temps chuté drastiquement.